Il est admis juridiquement que chacun d’entre nous a droit au respect de sa vie privée sur son lieu de travail. Les articles 9 du Code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, protègent ce droit tout au long de la carrière du salarié.
Le droit au respect de la vie privée recouvre également le secret des correspondances (courriers, mails….) confirmée par la Cour de Cassation dans son arrêt « NIKON » du 2 octobre 2001 n° 99-942 : « Attendu que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur »
De telles protections contraignent donc l’employeur à une obligation de loyauté quant au contrôle qu’il peut exercer à l’égard de ses salariés. Pour encadrer l’utilisation des outils informatiques, de nombreuses entreprises ont mis en place des « chartes informatiques ».
Le 10 février 2015 (arrêt n° 13-14.779), la chambre commerciale de la Cour de Cassation est saisie d’un pourvoi qui interroge à nouveau la frontière du contrôle de l’employeur. Dans cette affaire, une société A reproche à une société B, concurrente, d’avoir débauché une partie de ses salariés afin de désorganiser son fonctionnement et de lui faire perdre des marchés. Pour argumenter ses dires, la société A obtient d’un juge une ordonnance sur requête afin de contrôler les outils mis à la disposition de ses anciens salariés. Ce que la société A voulait démontrer, au travers de ce contrôle, était, d’après elle, contenu dans les portables de ces salariés ayant échangés des SMS avec l’entreprise concurrente.
Dans son arrêt, la Cour de Cassation (appuyée par l’avis de la chambre sociale) pose pour principe que « les messages écrits, envoyés ou reçus, par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, de sorte, que s’ils ne sont pas identifiés comme personnels, l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé ». Ainsi la Cour de Cassation nous apporte une précision indispensable à la protection de nos correspondances : elles doivent être clairement identifiées comme personnelles. Il suffit donc de les enregistrer dans des dossiers, dont le titre sera sans ambiguité dénommé Privé et/ou Personnel.
Sans cette protection, l’employeur, qui dispose d’un droit libre d’accès aux outils professionnels qui, mis à disposition restent sa propriété, pourra les recueillir et les utiliser dans le cadre d’une procédure disciplinaire ou judiciaire.