Le site de Val-de-Reuil portait en germe tous les composants nécessaires à une vaccination CFDT. Cet établissement du secteur pharmaceutique, et l’un trois sites en France de la société Sanofi Pasteur, était atteint d’un mal qui s’aggravait de jour en jour : la dégradation de l’image du syndicalisme, quel qu’il soit. Depuis maintenant un an, des salariés, soutenus par la CFDT, ont entrepris d’attaquer ce mal à la racine. Récit de ces nouveaux syndicalistes, adeptes d’une thérapie active.
L’apathie syndicale généralisée, ajoutée à certains comportements militants technocratiques, a contribué, au fil des ans, à détourner de la chose syndicale les salariés de l’établissement Sanofi Pasteur du site de Val-de-Reuil, près de Rouen.
Un virus bien installé
Peu ou pas de contact avec le personnel, une gestion train-train du comité d’entreprise (CE) et quelques dérives militantes ont fini par infecter fortement l’image des organisations syndicales sur le site. « On ne voyait pratiquement jamais personne et les salariés n’avaient pas d’infos sur ce qui se passait dans la société » se souvient Michaël, aujourd’hui délégué syndical CFDT. « Des choses étaient faites, mais toujours pour les mêmes » complète Dominique, aujourd’hui membre titulaire CFDT du CE. C’est cette situation qui a incité Michaël et un autre salarié, Joël, à agir pour changer les choses.
Trouver un laboratoire syndical pour développer le projet
Après des contacts infructueux avec deux organisations syndicales, c’est auprès de la CFDT qu’ils trouvent les conditions pour préparer le remède adapté. Première mission : constituer un collectif. Aussitôt dit, aussitôt fait. Les deux compères se rapprochent de plusieurs collègues et leur expliquent leur démarche. Première victoire. Six personnes, dont trois de moins de 30 ans, relèvent le défi du renouveau syndical. Olivier, aujourd’hui délégué du personnel (DP), souligne leur complémentarité. « L’équipe qui s’est constituée, a beaucoup d’atouts. Car elle est composée de gens de sites et d’âges différents. » Samuel, également élu DP, résume l’état d’esprit qui anime le collectif. « J’étais le premier à me plaindre d’un certain nombre de choses et je me suis dit qu’il fallait y aller. » Linda, seule femme de l’équipe, ne s’en inquiète pas outre mesure. « La mixité viendra avec le temps. Plusieurs salariées, sur la réserve au départ, reconnaissent de plus en plus la qualité de cette nouvelle équipe. » Et c’est vrai qu’elle dégage sérieux et sérénité, cette équipe. Tous soulignent l’importance d’être à l’écoute du personnel. Pour William, élu depuis au CE et au CHSCT, « ce qui plaît aux collègues, c’est qu’ils ne sont pas obligés de venir au local et que c’est nous qui allons les voir ».
Un test positif
Sur ces bases, ils mettent alors les bouchées doubles pendant les semaines qui les séparent des échéances électorales pour prouver qu’il est possible de faire du syndicalisme autrement. Michaël raconte :
« on a repris l’affichage, les tournées de services. On a été interpellé par les collègues. Et on s’est fait un point d’honneur à répondre à chacun ». Très rapidement, le changement a été perçu
et récompensé par un soutien de 45 % des salariés du site aux élections d’octobre 2004. Ce résultat, historique pour la CFDT, a permis à l’équipe d’investir les instances représentatives du personnel pour défendre au mieux les revendications de leurs collègues de travail. Joël, délégué syndical et pivot de l’équipe, n’oublie pas ceux qui les ont soutenus : « la section syndicale du site de Marcy, Pascal le délégué syndical central, la section du siège mondial animée par Martine, et le Syndicat Chimie énergie Haute Normandie. Tous nous ont apporté une aide efficace ».
Vacciner par l’action
Cette aide a été d’autant plus précieuse, lorsque la jeune équipe a dû assumer sur le terrain le désaccord de la CFDT lors des négociations nationales. Le désaccord portait sur la baisse substantielle de 30 % de la participation et de 20 % de l’intéressement, position de la direction qui intervenait au moment où elle refusait d’augmenter les salaires parce que compensés par un bon niveau de primes. A la suite d’un premier échec des négociations, la CFDT appelle alors le personnel des trois sites de Sanofi Pasteur en France à se mettre en grève. La jeune équipe CFDT de Val-de-Reuil prend aussitôt ses responsabilités, malgré les tergiversations d’autres organisations syndicales. Michaël se souvient. « On a élaboré un tract qu’on a expliqué aux collègues en faisant le tour du site. Et près de 300 grévistes nous ont suivis. » « Au début, c’était un peu impressionnant » admet Samuel, « mais on s’est vite organisé, et ça s’est bien passé. » Joël enfonce le clou : « la section a pris à son compte le bon déroulement du mouvement de grève en faisant respecter les consignes de sécurité et en évitant les débordements sur le site ». Ce sens des responsabilités a été salué par tous, à commencer par la direction locale. Ce conflit a vacciné la nouvelle équipe
à l’action syndicale. Le succès obtenu au terme de la mobilisation, ainsi que la couverture médiatique locale, l’a définitivement fait connaître sur le bassin d’emploi de Rouen.
Inoculer le sérum de longévité à la section
Mais les militants CFDT ne s’enflamment pas pour autant. Ils savent que l’action syndicale s’inscrit dans la durée et qu’il reste beaucoup à faire. Ils mesurent également l’étendue de la panoplie nécessaire à un syndicaliste. Joël en est convaincu. « J’ai appris pendant le conflit à maîtriser l’exercice délicat de la prise de parole en public. Avec Pascal (ndlr : le délégué syndical central), on a beaucoup appris sur la négociation, la force des convictions. Mais nous devons progresser encore dans notre fonctionnement. » Pour Olivier, la formation est un bon moyen de monter en puissance. « J’ai apprécié la formation CE dispensée par l’association Idéforce. On a appris beaucoup de choses et on a pu échanger avec des militants CFDT d’autres branches professionnelles. » Le mot de la fin revient à Vannara, délégué suppléant au CE : « je mise sur notre solidarité et notre travail pour être encore mieux perçus par nos collègues aux prochaines élections ». C’est tout le mal que nous souhaitons à cette équipe qui en a, sans conteste, les moyens !
Carte d’identité de Sanofi Pasteur Val-de-Reuil
Situation : Bassin d’emploi du Val-de-Reuil, près de Rouen
Effectifs : 1250, dont 115 CDD et 215 intérimaires
Branche : Pharmacie
Activités : Elaboration de vaccins, contrôle de produits, conditionnement et distribution
Signes particuliers : Entreprise du groupe Sanofi Aventis
délégué syndical central :
une conception gagnante de la proximité
Embauché il y a huit ans, Pascal a adhéré à la CFDT dès le passage de son contrat de travail à durée indéterminée. Convaincu de la nécessité des organisations syndicales, il a fait le choix de la CFDT sans hésitation. « J’ai perçu une organisation cohérente, revendicative et constructive à la fois. » C’est tout naturellement qu’il a rejoint la solide équipe CFDT de Marcy, son lieu de travail. Ses qualités d’organisateur, sa force de conviction, et sa capacité de travail ont vite été remarquées. Tout logiquement donc, il a été sollicité pour prendre des mandats syndicaux. Aujourd’hui, à 32 ans, il assume la charge de délégué syndical central (DSC) de Sanofi Pasteur et siège à la table de négociations du groupe Sanofi Aventis, comme au comité d’entreprise européen. Malgré cela, il garde les pieds sur terre et sait que pour négocier, il faut peser. C’est pour cela qu’il s’est investi à fond pour épauler la nouvelle équipe de Val-de- Reuil. Lui, a connu les deux équipes CFDT qui se sont succédées sur le site. La première pénalisait le rapport de force au niveau national. La deuxième a permis de répondre aux espoirs de Pascal : concrétiser sur le site la bonne image de la CFDT dans la société et le groupe. Pascal se souvient de la réunion qui a permis d’amorcer cette dynamique. « Toutes les structures de la CFDT ont répondu présentes. Gérard (ndlr : Gérard Ycre), le coordinateur CFDT Aventis, moi DSC et Jean-Paul (ndlr : Jean-Paul Choulant), secrétaire du Syndicat Chimie énergie Haute Normandie. Et c’est vraiment un grand plaisir d’avoir à aider une équipe comme celle du Val-de-Reuil. » Pascal ne boude pas son plaisir en se rendant le plus souvent sur place. « Cette expérience m’aura démontré qu’en partant quasiment de zéro, un collectif peut avancer à grands pas. En plus, c’est une aventure humaine formidable qui ne fait que commencer. Elle a déjà des répercussions positives sur les autres sites. » La suite de l’aventure, Pascal l’envisage avec une implication croissante de la section dans les réunions au niveau de la société et du groupe. D’ailleurs, en tant que DSC, Pascal n’oublie pas de souligner un détail qui a son importance : « grâce à l’essor de la section de Val-de-Reuil, la CFDT est la première organisation syndicale au niveau de la société, et conforte sa première place au niveau du groupe ».
secrétaire du Syndicat Chimie énergie Haute Normandie
1 Quelle analyse fais-tu du renouveau de la section ?
Le renouveau vient, en grande partie, du fait que la section repose sur un collectif qui se répartit les tâches. Les réunions de personnel que nous avons organisées, le coordinateur Aventis, le DSC et moi, ont permis de lancer la dynamique et de montrer la crédibilité de la CFDT.
2 Quel est le rôle du syndicat vis-à-vis
des nouveaux militants ?
Le syndicat est en contact régulier avec les nouveaux militants. Il leur a tout de suite proposé une formation d’élus au CE organisée par l’association Idéforce sur notre territoire. Le syndicat sert également de conseil quand cela est nécessaire.
3 Comment le conflit mené par la section CFDT
a-t-il été perçu localement ?
Le conflit a eu lieu juste après la formation. Il a permis à l’équipe de se démarquer de FO, alors que le poids de chaque organisation syndicale est équivalent. La couverture médiatique et la qualité des interventions de l ‘équipe CFDT ont montré une organisation structurée, crédible, à l’écoute et soutenue par les salariés.