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Waterman « Une usine perdue au fond de la Bretagne »

C’est un coup dur pour la toute nouvelle équipe CFDT, majoritaire au comité d’entreprise depuis deux ans. Waterman, à Nantes, vient de décider une fois de plus une réorganisation assortie d’un plan de licenciement de 114 personnes. Dans la saga Waterman, ce sont les salariés qui paient encore l’addition.

C’est un coup dur pour la toute nouvelle équipe CFDT, majoritaire au comité d’entreprise depuis deux ans. Waterman, à Nantes, vient de décider une fois de plus une réorganisation assortie d’un plan de licenciement de 114 personnes. Dans la saga Waterman, ce sont les salariés qui paient encore l’addition.

L’esprit d’artisan et de savoir-faire qui a toujours animé l’entreprise de Nantes n’a pas résisté aux appétits financiers des grands industriels. Le groupe américain Gillette, négociant de rasoirs, briquets et stylos bas de gamme en tous genres s’est débarrassé de sa division « Ecritures » dont Waterman faisait partie. Le nouvel acquéreur Sandford reprend les rênes avec les marques Parker, Paper Mate, Rottring, Reynolds…

Le stylo mythique ne fait plus recette

Ca couvait depuis le début de l’année 2000. Les ventes de Waterman étaient en chute libre. Un stylo « Man » en or massif ne se vend pas aussi facilement qu’un rasoir trois lames. Le stylo mythique ne fait plus recette.

Pourtant, de 1967, date d’implantation de Waterman à Nantes (voir encadré Historique), jusqu’aux années 85, la dynastie féminine Fagard/Gomez avait réussi la performance de porter le stylo à plume dans la cour des marques les plus prestigieuses. Mais en 1985, le repreneur Gillette entend mener une autre politique commerciale, en favorisant la vente en grande distribution des stylos bas de gamme. Les errements gestionnaires, la confusion dans les choix de production conduisent à des réajustements réguliers dont les salariés sont les premières victimes.

D’année en année, l’inquiétude s’installe chez les salariés, se traduisant par un absentéisme constant de 11 %. Les prises de position choc, mais sans résultat de la CGT, traditionnellement majoritaire dans cette région historiquement rouge, ne rassurent plus.

La CFDT, grâce à ses choix sur la réduction du temps de travail, son parler vrai, ses propositions de solutions concrètes, la permanence et la cohérence de son discours, gagne petit à petit l’écoute, puis la confiance des salariés.

En 2000, pour la première fois, elle remporte les élections professionnelles en doublant son nombre de voix, délégués du personnel et comité d’entreprise confondus. D’abord surpris par ce succès, les délégués s’attellent très vite à la tâche. Ils réorganisent de fond en comble le comité d’établissement, l’ouvrent à l’ensemble du personnel (jusque-là réservé aux seuls ouvriers), mettent en place la comptabilité analytique, créent des partenariats avec des associations.

Mener parallèlement la nouvelle mise en place du CE et le suivi du dossier de restructuration de l’entreprise, la mission est rude. Présents dans les ateliers, à l’écoute des salariés, les délégués CFDT sentent l’inquiétude monter. La production baisse. « Au bureau Recherches et développement, ils n’ont plus rien à faire » s’alarme une déléguée.

En juin 2001, le CE interroge la direction qui daigne présenter, en octobre, un budget prévisionnel stabilisé. La CFDT, pas convaincue par la démonstration, exige des informations sur des points précis. Le mois suivant, la direction présente au CE un plan de restructuration avec à la clef 114 suppressions d’emplois ! Le CE décide alors d’exercer son droit d’alerte (voir encadré), s’entoure des conseils d’un expert. Grâce à ces appuis, les délégués obtiennent, avec difficulté, divers documents, les organigrammes du fonctionnement en cours et futurs de l’entreprise, dont ils font l’étude au cours d’une suspension de séance !

Suppressions de postes

Les mesures prises par la direction concernent essentiellement la réduction des coûts et se répercutent mathématiquement sur l’organisation prescrite du travail ! Le choix de ne plus faire de nouveautés entraîne des suppressions de postes à divers niveaux de la production. Quant aux départs prévus, ils se feraient sur la base du volontariat. Les nouvelles orientations de la direction viseraient au seul maintien des produits de haute gamme. Waterman pourra-t-il continuer d’exister en n’assurant que la création et la fabrication de ce type de produits ?

Aujourd’hui, la préparation des élections professionnelles prévues le 28 mars, est percutée par la restructuration de l’entreprise. Pour la CFDT, trois anciens élus partent dans le cadre des nouvelles mesures. Martial, 55 ans, secrétaire CFDT du CE est emporté par la vague des licenciements. Son poste est supprimé. 25 ans de maison. Dessinateur industriel en micromécanique au bureau d’études, il a participé à cette aventure de la haute technicité. Adhérent depuis 67, il perd par la même occasion son poste de secrétaire au CE dans lequel il avait mis toute sa détermination.

Les salariés sont amers et désabusés. « L’avenir, on ne sait pas trop aujourd’hui. Il n’y a pas de vrai plan. Waterman n’est plus qu’un centre de production sans objectif propre. Waterman n’est plus décideur. On est plus qu’une usine perdue au fond de la Bretagne ». Ils disparaissent dans l’anonymat de l’immense gamme de stylos d’un grand négociant. Comment cet esprit d’orfèvre, ce goût du travail bien fait, la conscience professionnelle mise en œuvre par tous ces salariés peuvent-il encore retenir l’intérêt d’un décideur aux ambitions mondiales ?

La CFDT fait le Samu

Le climat se détériore. Les salariés qui restent se posent des questions sur l’avenir. Devant le flou des réponses apportées par la direction locale et le groupe Sandford, le désarroi s’installe. « A force de tirer sur les prix, on en demande de plus en plus. Mais si tout le monde veut partir, on va finir par fermer la boîte, on ne peut pas laisser faire ça » s’indigne une déléguée. Dans cette ambiance frôlant la déprime, la CFDT fait le Samu, mais ne se décourage pas. Elle s’attache à donner des informations précises et régulières sur la situation, se rend disponible pour répondre aux questions des personnels déboussolés. Son objectif pour l’avenir : faire du développement, car c’est le rapport de force qui lui permettra de s’imposer face aux évolutions. Contre vents et marées, la CFDT compte bien gagner les prochaines élections et le travail ne lui fait pas peur. Souhaitons-lui bon courage, elle en aura besoin.


Historique

« Il existe un idéal et Waterman est son prophète ».
La devise de Waterman

1883 : Invention du stylographe à réservoir (dont l’encre ne fuit pas) par Lewis E. Waterman.
1921 : Création en France de la société JIF Waterman (Jules Isidore Fagard).
1932 : Mme Fagard prend la tête de la société et inaugure une dynastie de femmes.
1936 : Invention de la cartouche d’encre par
JIF Waterman. Ouverture d’une usine de fabrication
de cartouches à Issy-les-Moulineaux.
1940 : JIF Waterman fabrique ses stylos sous sa propre marque (la guerre ne permet plus
des importations des Etats-Unis).
1967 : Construction de l’usine de St-Herblain près
de Nantes.
1969 : Francine Gomez (petite-fille de Mme Fagard) prend les rênes de l’entreprise.
1985 : Waterman entre dans le groupe Gillette.

Droit d’alerte
Art. L. 432-5 I du code du travail

Lorsque le comité d’entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, il peut demander à l’employeur de lui fournir des explications.

Cette demande est inscrite de droit à l’ordre du jour de la prochaine séance du CE.

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