On achète un voyage comme un produit courant, mais cela ne permet pas de faire n’importe quoi. Explications avec Christine, déléguée de la FCE-CFDT et militante à la CCAS
Christine, salariée chez EDF est administratrice de la Caisse Mutuelle de Toulouse et membre de la commission internationale de la Caisse Centrale d’Activités Sociales des IEG (CCAS).
Mag FCE : On peut comparer la CCAS à un comité d’entreprise doté d’un budget annuel de quelque 600 millions d’euros. Peux-tu nous dire quelles sont ses activités internationales ?
Christine : Il y a la possibilité pour tous les agents des IEG de participer aux voyages proposés chaque année. C’est une activité semblable à celles que font d’autres comités
d’entreprise. Il existe aussi une activité spécifique à la CCAS. En effet, elle attribue des financements aux associations qui interviennent dans le cadre d’opérations concrètes dans des villages et auprès de populations en difficulté en Afrique, Asie et Amérique du sud. Ce sont des actions ou activités sanitaires, d’éducation ou des projets d’équipements pour l’accès à l’eau, à l’énergie. La CCAS reçoit d’associations où sont engagés des agents IEG, quelques 70 dossiers par an. La commission dont je suis membre les instruit et nous en retenons en général 50 à 60 auxquels on attribue des subventions. En 2010, on a versé 420 000 ?.
Mag FCE : Le rôle de la CCAS s’arrête-t-il au versement d’une subvention ?
Christine : Pas du tout. Nous demandons aux associations d’organiser des séjours sur le terrain. Ces séjours ou « voyages solidaires » sont ensuite proposés aux agents. C’est là un moyen de découvrir « in situ », le travail concret réalisé. Une façon de rencontrer les populations concernées et, pour le voyageur d’être l’ambassadeur de l’association et celui des « valeurs sociales » dont se réclame la CCAS.
Mag FCE : Ces voyages rencontrent-ils un grand succès ?
Christine : Oui, complètement. On organise dix voyages par an qui comptent chacun une dizaine de participants. Le principe est de limiter chaque destination à trois voyages maximum car il s’agit de ne pas transformer l’association concernée en agence de voyages. Un mois avant chaque départ avec l’association, on réunit les candidats au voyage et on fait le point sur ce que sera le contenu des quinze journées du séjour. On rappelle le rôle et le projet de l’association. On aborde aussi les conditions matérielles du séjour et le côté très souvent rustique de l’hébergement, voire même spartiate. Un mois après le retour, la CCAS invite les participants à faire le bilan. C’est là que l’on mesure le niveau de satisfaction. Il est globalement positif. Pour autant, au cours de ces séjours ou lors des bilans on a pu constater que certains de nos « voyageurs » avaient des comportements quelque peu déplacés, tels des porteurs de civilisation arrivant en « terrain conquis » sans respect de la culture et des personnes. Surprise et choc ! Il va de soi que de tels agissements sont à bannir.
Mag FCE : Mais alors, qu’avez-vous fait ?
Christine : Nous étions en décembre 2008. Au cours d’une séance de la commission, la CFDT est intervenue pour dénoncer ces dérives et engager des actions visant à rappeler les règles de comportement. C’est comme cela que je me suis retrouvée animatrice d’un groupe de travail sur « l’éthique en voyage ». Composé de six représentants des organisations syndicales, le groupe était mixte et s’est réuni sept fois. Pour ce sujet sensible, pas question de se présenter en moralisateur, mais plutôt d’engager une démarche pédagogique pour rappeler que le voyageur est l’ambassadeur et l’image de l’association. Mais cette dérive comportementale peut aussi se poser lors d’autres voyages. Nous y avons réfléchi, et avons décidé que nous devions intervenir sur les aspects liés au respect, à la prostitution, à la contrefaçon ainsi qu’à la mendicité. Sur ces bases, nous avons rédigé un document. Il a été examiné et validé par le conseil d’administration de la CCAS. C’est ainsi que s’est construit le « passeport du voyageur de la CCAS ».
Mag FCE : Peux-tu nous dire ce que contient ce document ?
Christine : Nous mettons l’accent sur les comportements et attitudes qui peuvent avoir des effets lourds de conséquences. Ainsi, nous développons un chapitre sur le don qui, faute de s’inscrire dans un programme d’aides réfléchies peut conduire au développement de la mendicité. Le passeport invite également à être vigilant quant à l’utilisation de l’eau, tout particulièrement si l’on se trouve dans un pays où l’eau est une ressource rare. De la même façon nous donnons quelques conseils en termes de gestion des déchets. Sur la prostitution, nous soulignons que le paiement d’une relation sexuelle ne peut constituer une aide à la personne, voire aux familles. C’est davantage se rendre complice des proxénètes locaux. Il va de soi qu’aucun être humain ne peut être un objet de consommation ! En conclusion nous rappelons le respect de « l’autre » qui est un autre nous-mêmes.