Globalement, les salariés des grandes entreprises de notre champ professionnel bénéficient d’une prévoyance collective depuis déjà de nombreuses années par voie d’accord collectif ou par décision unilatérale de l’employeur. L’adhésion est soit obligatoire pour tous les salariés de l’entreprise ou de la branche, soit individuelle et volontaire en fonction de la nature des accords conclus.
Universalité, uniformité et unité : tels étaient les principes définis à l’origine de la Sécurité sociale en 1945. Le régime unique et universel pour tous devait être créé, mais de nombreux obstacles l’ont empêché.
Aujourd’hui encore subsiste une juxtaposition de régimes obligatoires qui couvre l’ensemble de la population : régime général, régime agricole, régime des non-salariés et régimes spéciaux.
Depuis le 1er janvier 2000, la couverture maladie universelle (loi du 27 juillet 1999 relative à la CMU) est venue compléter cet ensemble tant pour le régime de base que pour la couverture complémentaire. Avant la CMU, c’est près de 7 millions de personnes qui ne disposaient d’aucune protection complémentaire.
La loi de juillet 1999 est venue compléter le Code du travail dans ses articles L.132-27 : « Négociation annuelle obligatoire » et L.133-5 : « Conditions requises pour l’extension d’une convention collective nationale ».
L’introduction de ces dispositions impose, dans les entreprises de plus de 50 salariés qui ne sont pas couverts par un accord de branche ou d’entreprise, d’engager chaque année une négociation sur le thème de la prévoyance collective.
Pour la CFDT, la protection sociale complémentaire devient un élément de la rémunération globale. Elle favorise la cohésion et l’attraction des salariés vers des entreprises qui intègrent dans leur politique de ressources humaines un certain « bien-être » de leurs salariés passant par une bonne couverture sociale.
Pour notre organisation, tout ce qui relève du contrat de travail peut être facteur d’inégalité. La prévoyance collective relève donc, par essence, du champ syndical. Les études réalisées démontrent qu’en matière de couverture sociale nous sommes face à la plus grande inégalité. Nous avons mesuré auprès des salariés des PME-TPE un mécontentement général face à la carence de protection sociale complémentaire dans ce type d’entreprises.
La prévoyance collective, c’est quoi ?
La prévoyance collective s’applique au petit risque comme au gros. Le premier concerne le complément du remboursement des dépenses de soins pris en charge par la Sécurité sociale. Le second concerne l’incapacité totale ou partielle de travail ainsi que le décès.
Petits risques : c’est communément ce que l’on nomme l’assurance maladie qui prend en charge dans des limites fixées, en principe par conventions, les soins.
Gros risques : un salarié en état d’incapacité temporaire est en arrêt de travail et perçoit des indemnités journalières. Celles-ci sont fixées à 50 % du gain journalier dans la limite du plafond de la Sécurité sociale. Elles sont versées par la CPAM (Caisse primaire d’assurance maladie) à partir du quatrième jour d’arrêt de travail et pendant un délai maximum de 3 ans.
Selon les avancées sociales de chaque convention collective ou d’entreprise, notamment les obligations résultant de la loi de mensualisation du 19 janvier 1978, un complément à ces indemnités est versé au travailleur soit directement par l’employeur soit par le biais d’un organisme de prévoyance. Le niveau et la durée étant intimement liés aux clauses contractées dans un accord collectif.
Au-delà des 3 ans, si l’état du malade se prolonge, il est consolidé (c’est-à-dire qu’aucune amélioration ou aggravation ne risque d’intervenir dans un temps proche). Une invalidité peut être reconnue, il perçoit alors une pension d’invalidité. Les pensions sont classées en trois catégories qui déterminent le taux de la pension versée. En cas de décès, les ayants droit peuvent percevoir, sous condition de ressources, des prestations garantissant un revenu minimum.
Dans ces dernières situations que l’on peut qualifier d’extrêmes, une prévoyance collective permettrait le versement soit d’une rente d’invalidité en complément des prestations de la Sécurité sociale, soit d’un capital décès et/ou d’une rente d’éducation. La hauteur des garanties offertes relève de la négociation des modalités contenues dans un accord collectif.
Les organismes assureurs
Plusieurs types d’organismes se partagent le marché de la prévoyance collective : les mutuelles, les assurances et les institutions de prévoyance. Seules ces catégories d’organismes sont habilitées à gérer des contrats de prévoyance. Ils ont une compétence plus large que la seule couverture maladie et soins médicaux comme, par exemple, la Mutuelle des industries du pétrole (la MIP) qui, d’une part, n’est pas obligatoire et ne couvre que le petit risque.
Les salariés relevant des industries électriques et gazières bénéficient d’un régime spécial de Sécurité sociale. Celui-ci prend en charge les prestations de Sécurité sociale et le complément des soins courants, habituellement couvert par une mutuelle. Concernant l’incapacité partielle ou totale, le statut couvre le salarié à 100 % pendant 5 ans. Reste que cette couverture n’est pas aussi performante que certaines relevant d’entreprises du privé.
Orientation de la FCE
Jusqu’à ce jour, une opération de formation dans les branches a été engagée avec l’aide d’organismes qui sont par ailleurs nos partenaires.
La FCE doit maintenant impulser une politique plus volontaire concernant la prévoyance collective. En termes de principes généraux, il est évident que nous devons travailler afin que tous les salariés, qu’ils soient dans une grande comme dans une petite entreprise, puissent bénéficier d’une protection sociale de bon niveau.
Pour cela deux pistes possibles : au niveau des branches professionnelles, au niveau des entreprises. Dans ces deux approches, il y a des avantages comme des inconvénients. Examinons ensemble ceux-ci.
Les branches professionnelles
L’ouverture de négociation est extrêmement difficile, même si la législation actuelle nous en donne la possibilité. Les chambres patronales résistent en argumentant que la plupart des entreprises appliquant la convention collective sont déjà pourvues d’une prévoyance collective. C’est en partie inexact car ce sont les plus petites d’entre elles qui peinent à mettre cette disposition en place, notamment pour une question de coût, la mutualisation reposant sur un nombre de salariés réduit.
De plus, le parcours normal d’un salarié n’est plus aussi linéaire que par le passé. Le salarié alterne période d’activité, chômage, CDD-CDI, ce qui le conduit à connaître plusieurs employeurs de diverses branches professionnelles.
En revanche, les avantages sont indéniables puisque la conclusion d’un accord de branche permet la mutualisation entre les grandes et les petites entreprises d’un même secteur économique afin de réduire le coût de la couverture et d’instaurer des minima dans les entreprises dépourvues de présence syndicale. Reste que le rapport de force pour négocier ce type d’accord dans la branche est quasi nul.
Les entreprises
Depuis de nombreuses années, la proportion d’accords d’entreprise traitant de la prévoyance et des frais médicaux ne cesse de croître. C’est devenu un thème cher aux chefs d’entreprise. Ils intègrent ainsi dans leur politique sociale une forme de rémunération périphérique qui a l’avantage de contribuer à la construction de l’identité d’entreprise ou, autrement dit, à la culture d’entreprise ou du groupe.
Conséquences
Les accords d’entreprise enferment les salariés dans une culture d’entreprise qui est contraire à nos valeurs de solidarité, puisque les salariés des petites entreprises n’ont ni les moyens ni la surface pour faire bénéficier les salariés d’une couverture sociale à hautes prestations.
Le paradoxe est que des salariés des grandes entreprises estiment avoir une très bonne couverture. Mais à y regarder de plus près, elle se révèle en réalité pas aussi performante. Par exemple, les salariés des industries électriques et gazières, lorsqu’ils sont victimes d’une incapacité totale de travail, sont mis en invalidité au bout de 5 ans avec 50 % de leur dernier salaire. Ailleurs, le capital décès n’est pas plus important que celui prévu par la Sécurité sociale qui représente une somme égale à trois fois le salaire mensuel plafonné à la tranche A. D’autres salariés, par leur contrat de prévoyance complémentaire, peuvent bénéficier de prestations nettement supérieures allant du versement d’un capital à 180 %, 320 % ou même parfois 500 % du salaire annuel.
Pour la FCE-CFDT, la solidarité, l’équité et l’éthique doivent se conjuguer dans le domaine de la prévoyance collective. La fédération doit porter son effort dans les négociations de branche, les syndicats devant plutôt investir les PME/TPE pour cette disposition.
Pour cela, une campagne de sensibilisation doit être menée et relayée par les syndicats, afin que chaque équipe dans chaque entreprise fasse monter la pression en coopération avec les branches pour débuter la négociation. Chaque branche devra se rapprocher des autres partenaires syndicaux pour construire un front commun face aux patrons qui résistent.