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Traité constitutionnel européen : Quatre fédérations de la CFDT envoient une tribune à la presse

Les secrétaires généraux de quatre fédérations de la CFDT (Hervé Garnier de la Fédération Agroalimentaire ou FGA, Marcel Grignard de la Fédération de la Métallurgie et des Mines ou FGMM, Martial Videt de la Fédération de l’Habillement, du Cuir et du Textile ou Hacuitex, et Patrick Pierron de la Fédération de la Chimie et de l’Energie ou FCE) ont adressé à la presse une tribune portant sur le Traité constitutionnel européen. En voici les termes.


Les secrétaires généraux de quatre fédérations de la CFDT (Hervé Garnier de la Fédération Agroalimentaire ou FGA, Marcel Grignard de la Fédération de la Métallurgie et des Mines ou FGMM, Martial Videt de la Fédération de l’Habillement, du Cuir et du Textile ou Hacuitex, et Patrick Pierron de la Fédération de la Chimie et de l’Energie ou FCE) ont adressé à la presse une tribune portant sur le Traité constitutionnel européen. En voici les termes.

Il n’est pas surprenant qu’inquiétude et mécontentement des salariés s’invitent dans le débat sur la Constitution européenne. D’abord parce que le malaise est sérieux. Comment aborder sereinement l’avenir face aux restructurations qui se succèdent dans une France rongée par le chômage de masse ? Ensuite parce qu’il est profond. Comment les salariés pourraient-ils se sentir récompensés de leurs efforts quand le pouvoir d’achat se traîne et qu’on nous explique par ailleurs que nous travaillons trop peu de temps et pour trop cher ?

Les tenants de ce discours ignorent volontairement que la productivité d’une heure de travail en France est parmi
les plus élevées du monde.

Pour poser clairement le rôle de l’Europe dans cette concurrence mondiale féroce dans laquelle nous sommes plongés, il convient de laisser à la politique nationale ce qui ne dépend que d’elle. En effet, pourquoi aller chercher ailleurs que dans les politiques nationales, les raisons d’une situation de l’emploi bien plus dégradée que celle de beaucoup de nos voisins européens, sinon pour se déresponsabiliser de la progression des inégalités, et ignorer que la redistribution des richesses se gère essentiellement sur notre territoire. L’Europe est trop facilement le bouc émissaire masquant les limites des politiques mises en œuvre. Il se trouve d’ailleurs que l’utilisation des peurs par des partisans du Non au Traité constitutionnel procède des mêmes logiques habillées d’un autre discours.

La future constitution grave-t-elle dans le marbre une Europe néo-libérale, responsable des délocalisations et du dumping social… ou bien cette future constitution donne-t-elle quelques moyens utiles aux salariés européens face à la mondialisation ?

L’Europe est trop facilement le bouc émissaire masquant
les limites des politiques nationales mises en œuvre.

La mondialisation n’a pas attendu le 29 mai, elle ne s’arrêtera pas le 30, quel que soit le résultat du référendum. Les salariés le savent bien. Eux qui, dans les industries textiles, chimiques, agroalimentaires ou métallurgiques sont depuis longtemps soumis à la concurrence internationale avec les effets dévastateurs que l’on connaît.

Quels que soient les progrès que nous réaliserons pour parvenir à l’Europe sociale que nous voulons, les conflits d’intérêts entre les salariés et les employeurs ne disparaîtront pas. Néanmoins grâce à l’action, nous disposons de moyens qui nous rendent moins vulnérables qu’ailleurs dans le monde. Des droits que les salariés ont obtenus durement et qu’ils continuent à faire progresser. La nouvelle constitution en consolide quelques-uns.

Ainsi quand la fermeture de Vilvoorde est annoncée en 1997, les syndicalistes européens se battent. La FGMM-CFDT et la Fédération européenne des métallurgistes gagnent auprès de la justice et obtiennent ce qu’on appelle la « jurisprudence Vilvoorde » qui renforce désormais les obligations des entreprises en matière d’information et de consultation des représentants des travailleurs, préalablement à une décision de restructuration. Aujourd’hui, nous demandons que ce principe soit appliqué à chaque projet de restructuration, comme par exemple pour
Dim-Sara-Lee.

Les risques de dumping social, de délocalisations à l’intérieur de l’Europe sont réels. Mais ils se réduisent au fur et à mesure que l’Europe progresse dans sa construction. Pour conquérir les marchés des pays de l’Est et bénéficier d’une main-d’œuvre bon marché, les entreprises n’ont pas attendu l’élargissement de l’Europe. Pour y entrer, les pays candidats ont dû faire des efforts, commencer à construire des réglementations qui réduisent les outrances de ce capitalisme sauvage. Ils se sont attaqués au fléau de la corruption. Ils ont fait progresser la démocratie et accroître les droits des salariés. Cela doit se poursuivre pour consolider le modèle social européen.

L’économie mondiale n’offre pas cinquante solutions pour faire face à la concurrence et lutter contre le dumping social.
Parier sur le repli national, qui rappelle étrangement le « fabriquons et achetons français » dont il est inutile pour ne pas être cruel d’en souligner les effets…, la plupart des entreprises françaises se développant à l’exportation et nos emplois en dépendent.

Face à la dureté des concurrences mondiales,
Chine et Etats-Unis, l’Europe est un lieu,
un espace, des moyens indispensables.

Parier sur la réduction des coûts du travail, pour mieux retarder l’échéance des fermetures et dont la finalité ne peut être que le nivellement par le bas.

Parier sur un « autre lendemain », au contour incertain et à l’échéance sans cesse repoussée et que plus personne n’est prêt à assumer.

On le sait, aucune de ces solutions n’est porteuse d’avenir. A notre sens, la vraie voie du progrès réside dans la réduction des inégalités sociales entre les pays. La négociation collective et de nouvelles régulations économiques et sociales sont des moyens d’y parvenir.

L’élévation des salaires, de la qualité de la protection sociale en Pologne ou en Slovaquie, les syndicalistes et les salariés de ces pays en sont et en seront les artisans. Dans leurs pays, droit syndical, droit de grève, dialogue et démocratie sociale restent très fragiles. La Charte des droits fondamentaux inscrite dans la Constitution européenne est un outil dont ils ont besoin pour être plus efficaces dans
leurs actions.

On nous dit que cette charte n’est qu’un bout de papier. Quand nous agissions pour qu’elle existe à Nice et ailleurs, ce n’était pas le sentiment de ceux qui étaient descendus dans la rue. Et quand des syndicalistes européens qui ont connu la clandestinité ou la prison nous disent pourquoi ils voient un progrès avec l’intégration de ce texte dans la convention, leur histoire doit interroger la rhétorique du Non.

Oui, nous avons à craindre de la mondialisation, non pas à cause de l’Europe, mais parce que sa construction n’est pas assez dynamique et qu’elle risque de ce fait de ne pas peser assez dans le bras de fer qui s’annonce entre la Chine et les Etats-Unis. La puissance chinoise s’impose avec une exploitation intolérable des salariés, tandis que l’administration américaine n’est pas prête de renoncer à ses intérêts économiques et politiques.

Face à la dureté de ces concurrences mondiales, l’Europe est un lieu, un espace, des moyens indispensables.

Il y a quatre ans, quand Bush taxe les importations d’acier aux USA, il emploie un moyen commode de faire payer au reste du monde, et en premier aux pays les plus pauvres, la politique industrielle des Etats-Unis. Le syndicalisme européen a réagi en poussant la Commission européenne à agir auprès de l’OMC. Au final, les Etats-Unis ont reculé. On a ainsi sauvé en France et en Europe des pans d’industrie et les emplois concernés.

Si l’agriculture et l’agroalimentaire sont devenues des secteurs fortement exportateurs, c’est bien grâce à l’Europe et sa politique agricole commune, qui a permis, tout en garantissant notre modèle social, de se développer dans un contexte mondial défavorable qui est celui des cours mondiaux des matières premières.

Transformer la mondialisation exige plus de l’Europe. Sa capacité à une gouvernance économique et une politique industrielle sera déterminante pour assurer nos conditions de vie et d’emploi de demain, avec des technologies pour un monde vivable. Ce doit être le sens d’une politique de recherche telle qu’elle est portée par les valeurs inscrites dans
la Constitution européenne avec l’innovation pour répondre aux défis de l’environnement et assurer nos emplois de demain. C’est tout l’enjeu du développement durable.

Le 30 mai, nous nous retrouverons au niveau national avec les mêmes problèmes d’emploi et d’inégalités à affronter. Les entreprises continueront à déployer leur stratégie. Nous continuerons à agir pour une Europe qui réponde à nos attentes. Dans un cas, avec une constitution qui rassemble l’Europe et nous donne de nouveaux droits. Dans l’autre, une situation de crise qui nous obligera à de nouvelles bagarres pour imposer ces nouveaux droits qu’on aura laissé passer, sans l’assurance de progresser dans une Europe divisée. Pour nous, l’avenir des salariés passe par le OUI à la constitution, nouvelle étape de la construction européenne débutée en 1951.

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