Le dossier du système de soins et du financement de l’assurance maladie sera, après le débat agité sur le régime des retraites, la prochaine échéance majeure. Les déficits permanents, en aggravation ces derniers mois, imposent aux décideurs de prendre le problème à bras le corps.
Le « trou de la Sécu » ! Chaque année l’angoisse monte : comment ne pas s’engloutir dans cet abîme et sauvegarder ce régime envié à l’étranger ? Pour les exercices 2002 et 2003, l’Etat doit trouver 16 milliards d’euros. Pour 2004, environ 11 milliards. La bataille va faire rage quand s’engagera le débat annoncé sur la prise en charge des remboursements de soins et sa répartition entre le régime obligatoire de Sécurité sociale et les régimes complémentaires. Déjà les assurances privées, tels des vautours, se montrent vivement intéressées.
Les décisions prises ces derniers mois posent question. Annoncés par le précédent gouvernement, les déremboursements de 834 spécialités (sur 3 ans) reposaient sur un service médical rendu (SMR) insuffisant. La logique voulait que la collectivité oriente les fonds prévus pour les remboursements vers des remèdes plus efficaces pour les patients.
Rompant cette démarche, l’actuel gouvernement annonçait pendant le week-end de Pâques 2003 qu’il baissait de 65 à 35 % le remboursement de médicaments, à SMR « modéré », donc reconnus comme utiles. Soit ces traitements sont efficaces, et il faut les rembourser au même taux que précédemment, soit ils ne le sont pas, et autant les dérembourser La demi-mesure n’est-elle pas une étape vers une politique d’implication croissante des assurances et des mutuelles et de désengagement de l’Etat sans réelle concertation ?
Pas de souci pour l’industrie pharmaceutique
L’industrie pharmaceutique n’a pas de souci à se faire. Après un lobbying forcené, elle vient d’obtenir des pouvoirs publics un accord qui lui garantit une rente de situation enviable pour les 3 ans et demi à venir. De quoi s’agit-il ? La convention négociée tous les 3 ans vise à programmer les évolutions de prix et de volumes des médicaments remboursés par l’assurance maladie. Elle fixe un taux de progression pour la profession (4 % en 2003) modulé selon le portefeuille des laboratoires et les engagements pris par chaque entreprise. Ce taux est actualisé chaque fin d’année à l’occasion du débat parlementaire sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
La nouvelle convention fait suite à une refonte de la fiscalité pharmaceutique qui a déjà permis à la profession d’échapper aux taxes sur les ventes directes et sur les publicités dans la presse médicale. Elle s’inscrit dans un contexte de plus grande liberté des prix pour les spécialités, trop peu nombreuses, apportant une réelle innovation thérapeutique.
Le Leem a gagné
Les lancements de nouveaux produits vont être accélérés, s’inscrivant dans des prix plus élevés en cohérence avec les niveaux européens. La maîtrise des dépenses promotionnelles, importantes dans la profession, était à l’origine un objectif prioritaire avec le rééquilibrage au profit des investissements de recherche. Cette priorité n’apparaît plus désormais. Les remises dues à l’Etat en cas de non-respect des engagements bénéficient de nombreuses exonérations. Le Leem a gagné sur toute la ligne.
Dans ces conditions, les dirigeants des laboratoires devraient donner suite à la demande de la CFDT de communiquer les orientations et engagements de leurs firmes, qui vont négocier entreprise par entreprise avec le représentant du Comité économique des produits de santé
(M. Renaudin). Avec une bonne visibilité à 3 ans sur le marché français, l’opportunité d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences doit être saisie.
Après les cadeaux reçus de la collectivité, comment l’industrie pharmaceutique pourrait-elle continuer d’ignorer les appels de la FCE à prendre des engagements pour l’accès des plus démunis au médicament ? Elle doit rapidement faire savoir comment elle compte s’attaquer aux maladies rares ou négligées qui touchent nos concitoyens. Et bien sûr aux pandémies dévastatrices dans les pays du Sud, comme le Sida. Après le tintamarre médiatique pour faire céder les pouvoirs publics, son silence sur ce thème est terriblement assourdissant