L’affaire du Médiator remet en cause toute la chaîne sanitaire, de l’industrie pharmaceutique aux autorités publiques de contrôle et de sécurité, de la déontologie médicale aux intérêts industriels. L’efficacité de la pharmacovigilance, les conflits d’intérêts et les risques d’influence entre tous les acteurs sont à nouveau posés. La FCE veut une réforme profonde de ce système déficient.
Le rapport de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) est accablant pour le système de gestion du médicament. Il dénonce plus particulièrement les pratiques du laboratoire Servier et les défaillances de l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé).
Tirer toutes les leçons de ce drame humain. La sécurité sanitaire s’est construite progressivement, en réaction aux drames provoqués par des médicaments tels que Stallion, Distilbène, Thalidomide, jusqu’au retrait mondial du Vioxx, en passant par l’affaire du sang contaminé. Malheureusement, et bien que le système français soit l’un des plus performants au monde, force est de constater qu’il ne garantit toujours pas une sécurité suffisante. Alors que le médicament est à l’origine d’avancées exceptionnelles, il peut aussi provoquer les pires effets iatrogènes (provoqués par le traitement). La prise d’un médicament, quel qu’il soit, n’est pas anodine. Chacun a des effets secondaires qui peuvent être différents d’un individu à l’autre. C’est pourquoi, il est nécessaire de renforcer la sécurité sanitaire en tirant bien toutes les leçons de ce drame humain.
Exiger la transparence totale du laboratoire Servier, tant vis-à-vis des pouvoirs publics que de ses salariés. Le rapport de l’Igas révèle l’attitude « anesthésiante » et les pressions exercées pendant 35 ans par le laboratoire Servier. L’Igas indique qu’en ayant adopté dès l’origine, un positionnement du Médiator en décalage avec la réalité pharmacologique de ce médicament, le laboratoire Servier ne pouvait pas ignorer les risques pris. En certifiant continuellement que le Médiator n’était pas un médicament anorexigène (coupe-faim) alors qu’il faisait partie de la même famille que deux autres médicaments (isoméride, pondéral) retirés du marché pour leurs graves effets secondaires, le laboratoire a caché une partie de la réalité.
Aujourd’hui, Jacques Servier affirme que le Médiator avait une autorisation de mise sur le marché pour combattre le diabète mais nie sa responsabilité pour son usage en tant que coupe-faim. Jusqu’au rapport de l’Igas, les salariés du laboratoire n’ont pas été informés en interne de la situation et n’avaient comme information que les médias. A la communication du rapport, le message interne diffusé indiquait dédier toutes les ressources juridiques et scientifiques nécessaires, tant internes qu’externes, à la défense de l’entreprise. Conscients de l’anxiété engendrée par la virulence des attaques, il signalait que celles-ci contenaient un certain nombre de contre-vérités qui seraient rétablies dans le cadre de sa défense juridique.
La FCE exige du Laboratoire Servier une totale transparence. D’une part au niveau scientifique vis-à-vis des pouvoirs publics. D’autre part au niveau informatif vis-à-vis des salariés.
Mettre en place une réforme profonde de tout le système de pharmacovigilance. L’Afssaps, composée de plusieurs commissions, assure de nombreuses responsabilités dans la chaîne du médicament. La multiplicité des structures sanitaires contribue à la lourdeur de l’agence et dilue les responsabilités. De plus, elle n’intègre pas les opinions externes, notamment d’associations, et ne réagit pas suffisamment aux risques signalés dans d’autres pays.
Les systèmes d’évaluation permettent d’analyser les bénéfices et les risques de chaque produit. Il est nécessaire de réévaluer périodiquement et systématiquement chaque médicament. Au lancement d’un nouveau produit ou lors d’une alerte, cette réévaluation doit se faire immédiatement.
La FCE estime donc urgente la réforme de l’agence pour gagner en efficacité, en réactivité, en responsabilité, en décision pour une meilleure sécurité sanitaire.
Modifier la fixation des prix du médicament et les rembourser en fonction du service médical rendu. Le prix de vente et le taux de remboursement d’un médicament remboursé par la Sécurité sociale dépendent de la commission de transparence et du Comité économique des produits de santé (CEPS). Trop souvent, les critères permettant de définir le prix et le taux de remboursement sont détournés par la pression des laboratoires (menaces sur l’emploi par exemple), des pouvoirs publics (crainte des votes des patients) ou des professionnels de santé (surestimation ou sous-estimation de l’utilité d’un médicament). De plus, la commission ne s’intéresse pas au véritable coût de production et par conséquent pas au coût de revient d’un médicament. Cela explique en partie les grosses anomalies et les fortes interrogations que soulève le rapport de l’Igas quant à certains taux de remboursement injustifiés au regard du service médical rendu.
La FCE demande donc une meilleure définition des critères de prix et de taux de remboursement ainsi qu’un total respect de ces critères. L’amélioration du service médical rendu est évidemment le critère principal pour déterminer le taux de remboursement mais cela ne doit pas conduire à un déremboursement de médicaments indispensables pour lutter contre les douleurs des patients même si leur rôle n’est pas de soigner définitivement la pathologie.
Etendre les déclarations de tout lien d’intérêts, avec sanctions en cas de non-respect. De sérieux doutes subsistent sur l’indépendance des professionnels de santé, des experts de l’Afssaps, des cabinets ministériels y compris des mlinistres vis-à-vis notamment des laboratoires pharmaceutiques.
La FCE estime donc nécessaire de renforcer les déclarations des liens d’intérêts et de repréciser ce qui est entendu par liens d’intérêts. Ensuite, il faut vérifier ces déclarations et sanctionner tout cas non déclaré ou erroné.
Privilégier la santé des patients en cas de doute sur un médicament. Il n’est pas possible, à l’origine du lancement d’un médicament, de connaître tous les effets secondaires du produit. Les études cliniques comportent de plus en plus de personnes mais peuvent être différentes de l’utilisation à grande échelle du médicament, il peut apparaître des effets secondaires non détectés auparavant. Dès lors, l’intérêt économique du laboratoire ne doit pas être privilégié au détriment de la santé du patient. Sans tomber dans la démagogie, le principe de précaution doit s’appliquer.
La FCE revendique, qu’en cas de doute avéré sur les risques d’un médicament, la santé des patients soit privilégiée.
Exiger des politiques d’assumer pleinement leur responsabilité. Plusieurs responsables politiques ont pointé du doigt les visiteurs médicaux. Ils les accusent d’être responsables de dérives des prescripteurs. Mais la responsabilité est celle des politiques qui n’ont pas voulu de formation continue indépendante de l’industrie pharmaceutique envers les médecins et les pharmaciens. Aujourd’hui, les visiteurs médicaux, qui sont les principaux vecteurs d’informations des médecins, respectent l’éthique de la profession et les consignes des laboratoires. Le ciblage des médecins imposé par les laboratoires conduit à ce que 40 % d’entre eux n’ont d’informations qu’internet, les revues spécialisées ou encore le dictionnaire « Vidal ».
La FCE affirme tout son soutien aux visiteurs médicaux. Ils ont toute leur place dans le système de santé des citoyens. En signant un avenant les concernant à la convention collective, la fédération a conforté leur avenir. Mais il faut aussi prévoir une formation continue des médecins et des pharmaciens indépendante des laboratoires. C’est le rôle de l’assurance maladie de l’assumer bien plus fortement qu’aujourd’hui. Près de la moitié des emplois de la visite médicale aura disparu en 5 ans. Il est donc financièrement possible de recréer de tels emplois indépendants de l’entreprise.
Indemniser toutes les victimes, mais pas par la collectivité. La réalité humaine dramatique des personnes malades ou décédées a été confirmée par le rapport de l’Igas. Une indemnisation juste et rapide des victimes doit être réalisée. Le type de procédure judiciaire est très important pour savoir la durée des procès à venir. Servier a prévu un fonds d’indemnisation. Son assurance a indiqué qu’elle pourrait ne pas assurer ce risque.
La FCE demande à l’Etat d’agir pour une procédure judiciaire rapide et pour une alimentation du fonds d’indemnisation des victimes par les responsables de ce drame.
En conclusion, la FCE-CFDT poursuit sa démarche de renforcement de sécurité sanitaire. C’est une condition indispensable à la restauration de la confiance des patients et citoyens. C’est aussi une forte garantie des intérêts des salariés de l’industrie pharmaceutique (voir la vidéo mis en ligne sur le site fédéral www.webtv.fce.cfdt.fr).