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Sauver l’emploi et gagner ensemble chez Trelleborg

S’opposer au plan de réorganisation et aux licenciements décidés par la direction du groupe. Le défi ressemblait à une gageure, mais les salariés avec la CFDT l’ont relevé et ont gagné. Récit....

S’opposer au plan de réorganisation et aux licenciements décidés par la direction du groupe. Le défi ressemblait à une gageure, mais les salariés avec la CFDT l’ont relevé et ont gagné. Récit.

L’origine de « l’affaire» aura bientôt quatre ans. Aujourd’hui encore Sylvie et Lydia, deux des protagonistes, sont volubiles et racontent avec émotion leur aventure, humaine et syndicale, qu’elles ont vécue sur le site Trelleborg de Carquefou.

Sylvie : tout a commencé en avril 2007, quand notre direction nous a annoncé que le service comptabilité avec ses dix salariés allait disparaître et que neuf d’entre eux seraient licenciés avant la fin décembre. L’état major du groupe suédois Trelleborg avait décidé de transférer le service comptabilité sur l’ile Maurice, à quelques 9500 kilomètres, et de ne garder qu’un seul correspondant de la compta à Carquefou. L’information nous tomba sur la tête comme un coup de massue.

Lydia : alors nous, les huit femmes et les deux hommes du service, pragmatiques, nous ne comprenions pas comment on pouvait supprimer le service. Qu’adviendrait-il alors de notre travail, de nos contacts réguliers avec les clients, les fournisseurs et la prise en charges des litiges commerciaux et leur résolution ? A l’évidence il nous est apparu que la direction ne pouvait pas avoir étudié réellement le dossier et tous les effets dévastateurs d’une telle décision. Je me souviens que notre direction nous disait que les allemands du groupe avaient, eux, bien accepté cette fermeture.

Sylvie : on n’a pas compris, mais rapidement on s’est dit que l’on ne pouvait pas en rester là et tomber sous les fourches caudines d’une direction invisible et irresponsable. Il nous fallait agir. Nous n’étions pas syndiquées. On était plutôt enclines à croire et à pencher du côté de la direction. Bien sûr, on voyait agir la CFDT, majoritaire sur le site et, avec ses délégués, obtenir des résultats. Mais nous ne sommes pas allées spontanément à leur rencontre. Pour ma part, il me restait en tête le vieux souvenir d’un débrayage où, devant le portail de l’usine, le discours du délégué CFDT m’était apparu violemment incompréhensible. Alors, quand il y avait un mouvement de grève, je rentrais travailler avec toutes les autres de la compta.

Lydia : nous avons choisi d’aller rencontrer l’Inspecteur du travail. Il nous a reçues, mais il nous a conseillé de prendre contact avec les organisations syndicales présentes dans l’entreprise. C’est ce que nous avons fait. Quand on s’est retrouvées devant Michel, le délégué syndical CFDT, il s’est montré surpris. Depuis le temps que nous étions, -car nous l’avions choisi-, un peu en marge, il avait fini par nous classer en quelque sorte tels des salariés qui subissent sans réagir. Il a pris un temps de réflexion, mais rapidement il a participé aux réunions du service compta où notre direction vantait le projet de réorganisation « lexus ».

En écoutant avec attention les interventions de la CFDT et en mesurant la pertinence des propos tenus, j’étais convaincue qu’avec ses délégués la CFDT avait des compétences. De plus j’appréciais la qualité des comptes rendus qu’il faisait de nos réunions.

Nous avons pris conscience que sur le site notre service, avec ses dix salariés, auxquels s’ajoutaient une quinzaine de salariés administratifs, composait une structure juridique d’à peine trente salariés, sans délégués du personnel. L’habitude toute naturelle de bénéficier des activités proposées par le Comité d’entreprise, nous avait fait oublier cette carence de représentation.

Sylvie : pour la première fois on ressentait le besoin d’un soutien psychologique. D’autant que nonchalamment la direction nous disait que nous devrions bientôt former les salariés mauriciens qui allaient récupérer notre activité. Et la direction de nous proposer, pour respecter les dispositions légales, des offres d’emplois ailleurs dans le groupe. En Allemagne, en Suède ou bien encore en Ukraine. La direction évoquait aussi la possibilité d’un ou deux postes de chimiste à Carquefou.

L’idée de se syndiquer commençait à nous trotter dans la tête, d’autant que la mobilisation et l’énergie mises en œuvre par les délégués CFDT nous sautaient aux yeux. Les soutiens de la section syndicale, et du syndicat étaient évidents. A cela s’ajoutait l’opportunité d’organiser les élections des délégués du personnel.

Lydia : on ne s’y attendait pas. Nous n’y avions jamais pensé. Mais la nécessité d’avoir des délégués, un titulaire et un suppléant, était claire maintenant. C’était une évidence. C’est comme cela que l’on a mis le pied à l’étrier. Il était impensable de laisser les postes vacants, comme nous l’avions fait jusqu’à présent.

Pendant ce temps là la direction confirmait en réunion de Comité central d’entreprise (CCE), que le service compta serait supprimé.

Alors on a décidé de faire grève. La « machine » CFDT était en marche et l’on a réalisé que nous avions franchi un palier, nous-mêmes les filles de la compta, mais aussi tous les autres salariés qui manifestaient leur solidarité. Et l’on voyait aussi tous ceux des autres services administratifs.

Sylvie : on était impressionnées par les moyens déployés par la CFDT pour sauver dix salariés ! La procédure légale de consultation engagée par la direction se poursuivait au niveau national, dans le cadre du CCE car d’autres sites étaient également concernés, notamment celui de Trelleborg Airax à Reims.

Lydia : l’équipe CFDT a montré ce qu’elle savait faire, tout particulièrement en termes de préparation de dossiers. Ainsi elle travaillait avec le cabinet d’expertises Syndex, mais surtout, les délégués avaient introduit dans leur argumentaire, pour justifier le maintien du service comptabilité, de nombreux éléments que nous leur avions fournis pour expliquer par le détail la réalité de notre travail.

Sylvie : évidemment, pendant tout ce temps nous demeurions inquiètes. On se demandait si nous allions gagner ce bras de fer avec la direction. Même si l’on sentait bien que la direction locale n’était pas vraiment convaincue de cette restructuration. Notre direction devait obéir aux ordres et appliquer les directives des patrons suédois. Rétrospectivement, quand j’y pense, c’est vrai que notre dossier, le dossier de la CFDT, était « en béton », alors on a gagné. Et quand on sait que la direction s’interroge maintenant sur le fiasco entraîné par la fermeture de la compta en Allemagne, on est certaines que le seul souci d’améliorer le niveau de rentabilité et l’accroissement des profits immédiats étaient leur seules motivations. Des financiers, tout simplement.

Lydia : dans cette affaire on déplore qu’une salariée, à Reims, ait cédé aux discours de sa hiérarchie. Celle-ci lui disait que son service allait fermer. Elle a démissionné. Elle avait vingt ans d’expérience. Mais il n’y a pas eu de fermeture. Alors elle a été remplacée. Ce n’est plus de l’organisation du travail ou de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, c’est du gâchis !

Sylvie : on a choisi de rejoindre la CFDT. Nous sommes adhérentes, et nous avons aussi été élues au poste de délégué du personnel. L’une titulaire et l’autre suppléante. Aujourd’hui on tient notre réunion mensuelle avec la direction. Pour elle aussi les choses ont changé.

Lydia : notre mobilisation a duré près d’un an, jusqu’en février 2008 où, lors d’un dernier CCE, la direction a annoncé qu’elle retirait son projet « lexus ».

Alors pour nous à la compta, mais pas seulement pour nous, on peut véritablement dire qu’il y a eu un avant et un après. Toute cette mobilisation a notamment permis, par les nombreuses discussions et implications de tous, de modifier certaines habitudes et d’ouvrir « certaines frontières ». On peut parler d’un décloisonnement entre les catégories socioprofessionnelles. La parole s’est libérée entre les ouvriers, les cadres et les agents de maîtrise. « On est bien tous dans la même galère ».

Sylvie : pour ma part, quel chemin parcouru quand j’y pense. Dans mon rôle de déléguée du personnel, j’ai assisté un cadre qui était convoqué pour un entretien préalable en vue d’un licenciement.

Je me suis syndiquée au moment où je craignais de perdre mon emploi. Aujourd’hui je suis rassurée, mais je n’envisage pas de quitter la CFDT et la section syndicale. Ici c’est avant tout une équipe humaine. Alors, avec ce que j’ai vécu, même si je ne me sens pas « militante » jusqu’au bout des ongles, je suis attentive et solidaire. Je participe à la réunion mensuelle de la section. Et ici le mot solidarité à un sens. « Un pour tous, tous pour un ». Je crois bien qu’à la CFDT on est les mousquetaires du social.

TRELLEBORG en quelques mots

Trelleborg est une entreprise du caoutchouc, leader mondil hors pneumatiques. Elle compte 15 000 salariés dans le monde, moins de 3 000 en France, dont 590 à Carquefou, mais le site en comptait encore 1 050 en 2008. Signe que les restructurations sont à l’ordre du jour, notamment avec la vente d’un secteur à l’allemand Tristone. Du côté syndical, la CFDT compte toujours plus de 150 adhérents et 80 % de représentativité.

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