Dans les industries électrique et gazière (IEG), la fin de l’année 2004 aura été marquée par l’échec des négociations portant sur le régime complémentaire maladie (RCM). Ce début d’année 2005, par la publication de deux décrets modifiant son financement. CFDT Magazine Chimie Energie donne la parole à Jean-Michel Renard et Bernard Derudet, deux militants de la FCE-CFDT qui ont participé activement aux négociations.
CFDT Magazine Chimie Energie : Suite au droit d’opposition qu’a fait valoir la FCE-CFDT contre l’accord sur le régime complémentaire maladie des IEG signé le 23 décembre 2004, l’accord est réputé non écrit. Quelle est à ce jour la démarche de la FCE-CFDT alors que les pouvoirs publics viennent d’adopter deux décrets réformant partiellement le régime ?
Jean-Michel Renard : En s’appuyant sur le retour d’expérience de la précédente négociation, la FCE-CFDT milite pour l’ouverture d’une nouvelle négociation. Pour elle, les conditions d’un accord reposent sur un compromis dans lequel les parties en présence retrouvent tout ou partie de leurs objectifs et sur une confiance établie entre elles. Ces conditions indispensables devront maintenant être réunies pour réussir ensemble.
Depuis des années, la FCE-CFDT a assumé ses responsabilités pour mener à bien la réforme du régime complémentaire maladie des IEG ayant pour objectifs : l’amélioration des remboursements maladie, un financement plus juste et solidaire et la transparence de la gestion.
Dans ce cadre, la FCE-CFDT poursuivra son action pour la mise en place d’une véritable mutuelle des IEG, élue, gérée et administrée par les agents eux-mêmes. Cet objectif ne peut être atteint qu’à la condition de mettre en œuvre une véritable refondation du régime complémentaire maladie qui s’articule autour de 4 thèmes : prestations, gouvernance, financement, solidarités (N.D.L.R. voir encadré).
CFDT MCE : Selon vous, quand ces négociations pourront-elles reprendre ?
Jean-Michel Renard : Les négociations ne reprendront probablement pas avant la rentrée de septembre, car plusieurs aspects conditionnent cette reprise.
D’abord les aspects juridiques, législatifs et réglementaires doivent être cernés dans leur globalité. Ce point a fait défaut au cours de la précédente négociation et n’a pas permis aux employeurs, comme aux fédérations syndicales, d’appréhender la réforme dans toute sa dimension. Le caractère de régime spécial de Sécurité sociale donne à toute réforme une dimension particulière et complexe. Sa réglementation, qui n’a quasiment pas évolué depuis 1946, est une autre difficulté dans un environnement social, économique et législatif qui n’est plus celui qui prévalait à sa création.
Ensuite, il faut évaluer la réelle volonté de tous les acteurs, et en particulier celle du gestionnaire majoritaire, à engager une réforme structurelle qui nécessairement va bousculer une culture d’entreprise très prégnante. Mais doit-on au prétexte de l’histoire conserver une organisation qui conduit à verser des prestations médiocres ? A la FCE-CFDT, nous trouvons pour le moins paradoxal de voir dans les groupes EDF ou Gaz de France, des filiales dont les salariés disposent de prestations maladies supérieures à celles dont diposent les salariés de la maison mère ! Ce paradoxe devient une aberration quand on sait qu’en plus dans les IEG, les salariés ne disposent toujours pas d’une prévoyance accident, maladie et décès digne de ce nom !
En fin de compte, en termes de protection sociale dans les IEG, nous sommes devant un choix qui se résume à : soit maintenir un système archaïque qui, depuis des années, est dépassé et ne répond plus aux attentes des agents, soit engager une adaptation maîtrisée vers une organisation mutualiste qui seule permettra de servir des prestations de haut niveau en réponse aux attentes des agents.
Sur ces thèmes, qui délimiteront demain le champ du possible, il nous faut poursuivre un travail de terrain pour expliquer, convaincre et organiser un rapport de force pour gagner. Parallèlement, nous travaillons en relation avec la Fédération nationale de la mutualité française et la Mutuelle européenne de santé qui, d’ailleurs, organise mi-avril un séminaire auquel participeront les cinq fédérations syndicales des IEG.
Pour finir, le ministère de tutelle, ainsi que les employeurs, estiment que la reprise des négociations est à présent conditionnée à la publication du rapport de la Cour des comptes qui, depuis maintenant plus d’un an, a engagé un contrôle dans la Caisse centrale d’activités sociales, au Comité de coordination (organisme qui supervise le régime complémentaire) et dans 9 Caisses mutuelles complémentaires d’actions sociales (CMCAS).
CFDT MCE : Quelles modifications les deux décrets adoptés en février dernier apportent-ils ?
Bernard Derudet : Ces décrets reprennent le principe de financement qui figurait dans l’accord du 23 décembre 2004. Ils réforment, au prétexte de pérenniser le financement du régime complémentaire maladie, son mode de financement dans le but de répondre exclusivement aux attentes d’EDF et Gaz de France, à savoir déconsolider les comptes, autrement dit, ne plus faire figurer au bilan des entreprises les engagements sociaux liés aux agents en inactivité de service.
Dans les faits, ces dispositions législatives exonèrent les employeurs de leur obligation de cofinancer la cotisation des inactifs et abaissent leur part de financement du régime de 50 % à 35 %. L’augmentation des cotisations, principalement supportée par les agents inactifs, ne règle pas l’équilibre financier du régime. A l’horizon 2006, il sera toujours en déficit !
La FCE-CFDT n’a pas la volonté de handicaper le développement des entreprises. Pour autant, elle revendique que la déconsolidation soit réellement négociée et qu’elle permette de maintenir le principe de cofinancement de la cotisation des agents actifs et inactifs par les employeurs, et ce a minima à hauteur de 50 %.
A aucun moment, au cours de ces négociations, d’autres scénarii n’ont pu être abordés. En fait, la prétendue négociation collective sur la réforme du RCM n’a pas été menée à son terme et n’a servi que la priorité des employeurs : la déconsolidation. Le reste n’était qu’artifice !
CFDT MCE : Qu’est-ce qui a conduit la FCE-CFDT à dénoncer l’accord ?
Bernard Derudet : En faisant valoir son droit d’opposition, la FCE-CFDT refusait de cautionner une réforme en trompe-l’œil. Cet accord, taillé sur mesure pour déconsolider les comptes, reposait sur une organisation financière fragile et n’offrait pas de garanties sur l’amélioration des prestations en 2006.
Au-delà des désengagements successifs de la Sécurité sociale, qui comme à toute mutuelle impose une plus forte part complémentaire, notre régime est plombé par des coûts de gestion administratifs prohibitifs. Dans ces circonstances, conditionner les améliorations à des objectifs de baisse de coûts de gestion s’avère fallacieux, si aucune disposition portant sur le mode d’organisation administratif du régime n’est clairement contractualisée. Le fait qu’aucune grille de prestations portant sur les améliorations des taux de remboursement maladie ne figure dans l’accord, en est une parfaite illustration ! Les précédentes réformes de 1995, 1997 et 2001 nous ont montré les limites de ce type d’accord. Nous n’avons pas le droit de mentir au personnel !
En outre, le montage financier, celui qui est à présent repris dans les décrets, ne garantissait pas de façon pérenne le principe statutaire d’un cofinancement de 50 % par les employeurs. Aucune disposition en matière de solidarité envers les bas revenus n’était même actée. Et l’on faisait financer les déficits antérieurs par les bénéficiaires, alors que les CMCAS disposent de réserves immobilières acquises avec des fonds de réserves prestations.
Les prestations
• Pour une amélioration des prestations servies à hauteur de
70 Me (hors forfait hospitalier et chambre individuelle)
• Pour une grille de prestations incluant des remboursements non pris en charge par la Sécurité sociale (prestations hors nomenclature) et faisant partie intégrante de l’accord proposé à la signature
La gouvernance
• Pour la séparation juridique du régime complémentaire maladie des activités sociales financées par le 1 %
• Pour un pilotage paritaire national du régime, avec obligation d’équilibre annuel, de tableaux de bord, d’anticipation et d’analyse des dépenses de santé
• Pour la gestion technique du régime confiée à une vraie mutuelle, élue selon le Code de la mutualité par les agents des IEG en relation avec l’instance paritaire de suivi
Le financement
• Pour 90 % des recettes consacrées aux remboursements de santé
• Pour un montage financier qui respecte l’égalité de traitement entre actifs et inactifs (en matière de cotisations et de prestations), tout en répondant aux contraintes comptables imposées aux entreprises
• Pour une structure de cotisation en conséquence
Des solidarités adaptées au monde moderne
• Pour une cotisation individuelle et familiale plafonnée à 4 600 e
• Pour un dégrèvement pour les très bas revenus
• Pour une cotisation volontaire pour les conjoints salariés