Le devoir de vigilance est un concept relativement récent, mais essentiel dans notre société moderne, où les entreprises jouent un rôle crucial dans notre économie mondialisée. Dès les années 1970 et 1980, des mouvements sociaux et des organisations non gouvernementales alertent sur les pratiques des entreprises multinationales et leurs impacts sur les droits humains, sociaux et environnementaux dans les pays en développement.
Ces préoccupations vont conduire au développement du mouvement pour la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE). Elles sont à l’origine des principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, adoptés en 2011. Ces principes énoncent les responsabilités des entreprises en matière de respect des droits de l’homme et l’importance de mettre en place des politiques de diligence raisonnable pour prévenir et atténuer les effets néfastes sur la santé et à la sécurité des personnes, les droits humains ou l’environnement, dans l’ensemble de leurs chaînes de valeur.
En Europe, l’attention portée au devoir de vigilance s’est accrue à la suite de plusieurs catastrophes industrielles majeures, telles que l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh en 2013, qui a causé la mort de plus de 1 100 travailleurs du textile et plus de 2000 blessés. Ces événements ont mis en évidence l’importance d’une surveillance accrue des conditions de travail et de la responsabilité des entreprises dans leurs chaînes d’approvisionnement mondiales.
En réponse à ces préoccupations, la France a été pionnière en adoptant en 2017 l’une des premières lois nationales sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre françaises pour imposer à celles de 5000 salariés en France ou 10 000 dans le monde l’obligation d’établir et de mettre en œuvre un plan de vigilance.
En Europe, la proposition européenne de directive est attendue de longue date. Après plusieurs mois de négociation, le chemin pour son adoption semble compliqué après le recul des pays comme l’Allemagne, l’Italie ou la France soumis aux pressions de leurs partis conservateurs et des lobbyes des employeurs pour vider ce texte de son contenu. Cependant, les états membres ont réussi à faire adopter une version moins ambitieuse de la directive en conseil le 15 mars dernier, qui est soumise au vote du Parlement européen en session plénière le 24 avril.
Pour la FCE-CFDT, malgré la limitation de sa portée avec le relèvement des seuils pour les entreprises et l’exclusion du secteur bancaire, l’adoption de cette directive à deux mois des échéances électorales enverrait un signal aux électeurs européens de la capacité de l’Europe à protéger l’environnement et les travailleurs. Les dirigeants européens, et en premier lieu le président de la France, doivent prendre leur responsabilité pour faire adopter cette directive et obliger les entreprises multinationales à prévenir les atteintes graves de leurs filiales et sous-traitants sur les droits humains et l’environnement.