Les entreprises s’engagent dans une approche de plus en plus globale de leur politique de rémunération. Quel est ce concept ? Est-il connu des salariés ? Faut-il en avoir peur ?
Le magazine apporte quelques réponses.
A l’initiative des entreprises, les formes de rémunérations se diversifient de plus en plus au-delà du cadre du salaire de base et de quelques éléments périphériques. En effet, ce concept de rémunération globale leur permet de capter puis de fidéliser des compétences et d’associer les salariés aux résultats de l’entreprise par la Rémunération variable collective (RVC) comme par exemple la participation, l’intéressement, l’abondement, le Perco (plan d’épargne retraite collectif), etc.
Cette approche permet également de partager avec les salariés la valorisation de l’action par l’ouverture de leur capital ou l’attribution d’options. C’est aussi le recours à toutes les ficelles d’exonération fiscale et de charges sociales pour augmenter les revenus des salariés sans accroître la masse salariale de l’entreprise.
Ainsi, la rémunération globale se décline en différentes composantes (cf. tableau). Il y a d’une par la partie fixe (salaire de base) et, d’autre part, tous les éléments variables, qu’ils soient liés à l’individu (durée du travail, résultats individuels) ou à des références collectives (convention collective et/ou accord d’entreprise).
Il peut aussi y avoir des composantes individualisées, aléatoires ou non, comme les bonus sur objectifs, à l’ancienneté, ou la situation familiale (supplément familial). Et l’on peut y ajouter des éléments à versements différés, à moyen ou à long terme (intéressement, participation, ou bien encore Perco, retraites complémentaires).
Le salaire est la contrepartie du travail. Il faut ici rappeler que le salaire est une contrepartie au travail effectué. Quelque soit la composition de la rémunération globale, l’élément principal et essentiel reste le salaire de base. Le salaire est également la manifestation de la reconnaissance par l’entreprise du travail effectué, de la qualification acquise et de la compétence du salarié. Il est également relié à la motivation, à l’implication des salariés et la reconnaissance, et ce sont là des facteurs complexes dont l’argent ne constitue pas le seul moteur. Un salarié lorsqu’il a le choix, privilégiera à salaire égal, l’entreprise qui lui offrira le plus d’éléments « périphériques » ou indirects. C’est pourquoi une politique salariale ne peut pas être déconnectée d’une politique de rémunération globale. La rémunération globale s’impose donc aux salariés positivement quand ils peuvent faire jouer la concurrence et choisir des entreprises qui offrent des rémunérations complémentaires ou prestations sociales les plus intéressantes.
Et pour la FCE-CFDT ? Question salaire, la FCE-CFDT se doit de continuer à favoriser les augmentations générales, même s’il faut se saisir du concept de rémunération globale et lui trouver un cadre de discussion permettant d’avoir des références lisibles par tous.
Un certain nombre de composantes de la rémunération globale sont aujourd’hui encadrées par des négociations collectives (salaire de base, intéressement, abondement, etc.). D’autres composantes telles que l’attribution de véhicules, de téléphone, de logement, etc. échappent à l’action syndicale. Elles sont traitées unilatéralement par le management, sans critères de transparence et sans contrôle. Au mieux, d’autres éléments tels que les tickets repas peuvent être du ressort du Comité d’entreprise.
Comment cela se traduit-il pour les salariés ? Lors des négociations annuelles obligatoires (NAO), de nombreux objets autres que les augmentations générales et individuelles, peuvent être négociés. Ainsi les primes telles l’ancienneté, de vacances, de panier, mais aussi les tickets restaurant, chèques Cesu (chèque emploi service), la prévoyance collective (extension des garanties, répartition financière entre employeur et salariés). La négociation peut également aborder les questions liées aux bonus individuels et collectifs, la retraite supplémentaire (Perco, article 83), les jours de RTT et l’égalité professionnelle (et la liste n’est pas exhaustive).
Les entreprises disposent de tous les éléments liés à la rémunération globale et elles ont établi leur stratégie en fonction d’une enveloppe financière inconnue des organisations syndicales. De ce fait, cela complique les négociations.
Pour une négociation transparente. L’élaboration d’une stratégie de rémunération globale efficace exige de l’information de qualité et des analyses sûres pour être en mesure d’évaluer les risques de cette politique. La FCE-CFDT avec toutes ses équipes se doit de revendiquer la transparence des critères d’individualisation et un encadrement des augmentations individuelles ou bonus, avec définition conjointe de critères ou d’objectifs. Cela permettra de proposer d’autres arbitrages quant à la répartition des augmentations individuelles et collectives de la masse salariale, la répartition de la valeur ajoutée. L’épargne retraite va par exemple prendre de plus en plus de poids ces prochaines années. Alors, quel type d’épargne, quels arbitrages par rapport à d’autres éléments de rémunération ou au salaire ? Nous devons aussi revendiquer de la transparence dans les critères d’attribution des éléments non monétaires (téléphone, véhicule par exemple) et pouvoir le cas échéant, exercer un contrôle.
La rémunération des Cadres
Dans un certain nombre d’entreprises, les cadres ne perçoivent pas d’augmentations générales. Certains éléments périphériques aux salaires sont inhérents au statut de cadre.
Les cadres ne sont pas hostiles à l’individualisation de leur rémunération qu’ils considèrent comme un moyen de reconnaissance fine de leurs compétences et de leur investissement, à condition que ce soit significatif et que les règles d’attribution soient claires. Ils restent cependant attachés aux augmentations générales, pour au moins deux raisons : le maintien du pouvoir d’achat et le côté aléatoire des primes ou bonus.
Dans le cadre des NAO, dans de nombreuses entreprises, il est négocié des augmentations générales pour les cadres. Celles-ci sont souvent d’un niveau inférieur à celles des autres collèges.
Le bilan social individualisé
L’approche sur les rémunérations globales par les entreprises est une réalité de plus en plus affirmée, plus ou moins acceptée ou comprise par les salariés. Le salarié mesure par simple consultation de sa feuille de paie, son salaire et tous les éléments contributifs à son statut. Par contre, il n’a pas forcément conscience de la valeur de la totalité des autres éléments composant sa rémunération. Ce manque de conscience pose problème aux entreprises qui peuvent difficilement les faire valoir auprès des salariés. Le BSI (bilan social individualisé) est un outil de communication d’entreprise, qui se développe beaucoup actuellement. Il valorise la déclinaison individuelle de la politique de rémunération globale de l’entreprise. Il détaille pour chaque salarié l’investissement dans la formation professionnelle, l’abondement, l’assurance chômage, la Sécurité sociale (la maladie, la vieillesse, les allocations familiales, les accidents du travail), la complémentaire santé, le logement, le transport, les autres avantages… Autant d’éléments qui sont valorisés financièrement par la volonté de minimiser l’importance du salaire de base et donc des augmentations générales.