Début décembre, rendez-vous annuel oblige, le Leem (les entreprises du médicament), la chambre patronale des entreprises du médicament, a présenté le bilan de l’activité industrielle, économique et sociale de l’année 2010.
Autre cette présentation, le Leem a souligné le contexte 2011 marqué notamment par l’affaire médiator, les dysfonctionnements du système de santé et les débats autour du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.
Bien que le secteur de la pharmacie soit toujours un gros exportateur de médicaments avec une balance commerciale positive de plus de 7 milliards d’euros, et que le chiffre d’affaires du marché français soit resté légèrement positif, l’évolution de l’emploi en 2010 est fortement négative. Cette détérioration de l’emploi, avec une baisse conséquente de moins 2,5 %, -du jamais vu depuis 2007-, a touché tous les métiers de la chaîne du médicament. Les chiffres de 2011 seront probablement dans cette même intensité de décroissance…
Quand on regarde de plus près la structure de l’emploi, on voit bien une diminution dans tous les métiers y compris dans ceux jusqu’ici relativement épargnés comme dans la recherche et le développement.
L’implantation du secteur « pharmacie » est forte dans 8 régions : Ile-de-France : 26,1%, Rhône-Alpes : 14,5%, Normandie : 10%, Centre : 8,9%, Paca : 5,4%, Midi-Pyrénées : 4,4%, Alsace : 4,4%, Nord-Pas de Calais : 3,7%.
Évidemment, dans tous les chiffres fournis par le Leem, on peut remarquer un absent de marque. Celui des résultats des entreprises. Non-dit révélateur ? Alors rappelons que les résultats 2010 des entreprises publiés en 2011 restent globalement d’un très bon niveau.
L’année 2011 a été marquée par une dégradation de l’image des entreprises du médicament auprès du grand public. La chambre patronale consciente de cette très mauvaise situation, avec plusieurs affaires de sécurité sanitaire dont la plus remarquée fut celle des dysfonctionnements très graves de Servier avec le médiator, a commandé un sondage à la Sofres auprès de plus de 2000 personnes sur la perception des français sur le médicament et l’industrie. Ce baromètre sera suivi dans le temps.
Les résultats du sondage montrent que si les personnes interrogées gardent une forte confiance dans le médicament (82 % en général et 94 % pour le produit princeps), dans le médecin et le pharmacien, l’image des entreprises du médicament est entre « espoir et défiance ». En effet, 85 % des sondés pensent que les entreprises jouent un rôle primordial dans la découverte de nouveaux traitements, mais 80 % estiment qu’elles sont « plus soucieuses de leurs bénéfices que des malades ! » La FCE-CFDT dénonce depuis bien longtemps des profits et marges hors normes qui devraient être fortement réorientés vers l’emploi et l’innovation plutôt que vers l’augmentation systématique de la distribution à l’actionnaire.
Face à la multiplication des mises en cause, le Leem tente de réagir en mettant en place un comité de déontologie indépendant, dans un contexte de dialogue détérioré avec le ministre de tutelle. Le législateur a réagi en augmentant les taxes à l’industrie (Loi de Finances de la Sécurité Sociale : LFSS 2012) et en votant une loi en demi-teinte (Loi n°2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé) qui tente de régler les conflits d’intérêts avec la déclaration de ces liens d’intérêts, d’expérimenter la visite médicale hospitalière collective, de modifier les règles d’obtention des autorisations de mise sur le marché (AMM), de renforcer la pharmacovigilance, sans pour autant simplifier le circuit de décisions. (Voir l’article du magazine n°127 de novembre 2011 sur le site fédéral www.fce.cfdt.fr ainsi que Syndicalisme Hebdo confédéral n°3342 du 19 janvier 2012).
Quelles perspectives pour 2012 ?
Crise économique, nouvelle loi encadrant le médicament, taxation accrue, quelles seront les conséquences sur la stratégie des entreprises ? Certaines d’entre elles ont déjà anticipées en annonçant des réorganisations massives liées à la fois à la situation nationale et à leur contexte interne. Les entreprises américaines, par exemple, implantées en France vont réduire drastiquement leurs effectifs pouvant aller jusqu’à la fermeture de sites sans pour autant disparaître totalement du territoire. C’est le cas de MSD, Pfizer, Warner-Chicott, Johnson et Johnson, Abbott. La liste pourrait s’allonger, même si les raisons économiques sur la sauvegarde de la compétitivité seront plus difficiles à avancer, particulièrement pour ces entreprises du secteur pharmaceutique dont les bénéfices continuent de progresser.
D’autres attendent les discussions de fin janvier dans le cadre du Comité stratégique des industries de santé (CSIS), réactivé par le président de la République. Elles pourraient déboucher sur des propositions concrètes, pour maintenir l’activité de recherche et la valorisation de l’industrie en France, en développant le crédit impôt recherche. Mais le second semestre s’annonce difficile en termes d’emplois. Aussi, dans un contexte global de chômage massif, pour la FCE-CFDT l’intervention syndicale sera nécessaire pour analyser et revendiquer des solutions durables pour les salariés.
La loi sur le renforcement de la sécurité sanitaire a été publiée le 29 décembre 2011
Trois volets :
Transparence des liens d’intérêts avec le renforcement de la prévention des conflits d’intérêts, la création d’une charte de l’expertise sanitaire.
Gouvernance des produits de santé
L’Afssaps devient l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament) avec un conseil d’administration sans représentant du LEEM (chambre patronale des entreprises du médicament)
Médicament à usage humain
AMM (autorisation de mise sur marché) subordonnée à la démonstration d’un vrai progrès thérapeutique sera mis progressivement en place. La comparaison avec un placébo reste possible…
Critères de suspension, retrait, interdiction, modification de l’AMM sont précisés. Possibilité de demander des études de pharmacovigilance supplémentaires.
Recours et usage limité du « hors AMM »
Disposition expérimentale sur la visite médicale collective à l’hôpital,
Convention entre laboratoires et hôpitaux
(2500 établissements, 200 laboratoires)
Conclusion d’une Charte (objectifs annuels chiffrés par classes thérapeutiques) entre le CEPS (comité économique des produits de santé) et le LEEM.
Quelques absences notables
– Pas de réforme en profondeur de la politique du prix du médicament
– Pas de droits collectifs des victimes d’accidents
médicamenteux
– Pas de développement d’une formation continue
des professionnels de santé
– Pas de simplification des structures (création d’un GIP)
– Pas de mesure sur les dispositifs médicaux (niveau directive européenne)
Grâce aux interventions syndicales, notamment de la FCE-CFDT, la loi a été infléchie sur plusieurs points comme les Plans de Gestion des Risques, mais l’expérimentation de la visite médicale collective ne pourra produire de véritables résultats.