Le rapport Roussely, rédigé à la demande du président de la République, n’a été que partiellement publié.
Le groupe de travail « Energie-Climat » de la FCE-CFDT a examiné cette synthèse. Yannick Bernard, secrétaire fédéral, répond à nos questions.
Mag FCE : Yannick, tu es secrétaire fédéral et membre du groupe de travail Energie-Climat. A ce titre, tu as pris connaissance de la synthèse du rapport Roussely rendue public en juillet dernier. Ce rapport est consacré à l’avenir de la filière nucléaire à l’horizon 2030. Quels sont les principaux éléments qui en ressortent ?
Yannick : il est difficile de se faire une idée très précise des conclusions tirées par la Commission puisque seule une synthèse du rapport a été publiée. Aussi, sous cette forme, elle ne répond pas à toutes les questions que l’on se pose et l’on ne peut savoir si l’essentiel est dit ou s’agit-il davantage des seuls éléments que l’État veut faire connaître.
Mag FCE : Malgré cette limite, peux-tu souligner les points qui ont retenu l’attention des membres du groupe de travail de la fédération ?
Yannick : Tout à fait. Je commencerai par le regret de constater que cette synthèse laisse apparaître un parti pris. En effet, elle néglige, ou escamote au moins un acteur français. Il s’agit du groupe GDF-SUEZ qui, s’il n’exploite pas en France, possède et exploite sept centrales nucléaires en Belgique. Constat d’autant plus surprenant que l’Etat a « aidé » à la création de ce groupe. La question du manque de recul se pose aussi, voire même de partialité du rédacteur du rapport qui a encore un pied, de Président, au sein d’EDF.
Mag FCE : L’acceptation par le public du développement du nucléaire est toujours une question en suspens. Que dit le rapport sur les aspects qui touchent à la sûreté nucléaire ?
Yannick : C’est là un point sensible car le rapport évoque, ou suggère, la remise en cause, de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Le rapport laisse entendre que l’Etat ne devrait pas confier la vérification de la sûreté à une autorité indépendante qui pourrait exprimer des réserves, voire des suspicions sur la technologie. Pour le groupe fédéral de travail Energie-Climat, la sûreté est une question majeure. Il faut en faire une analyse plus fine et plus complète. Mais la FCE-CFDT peut d’ores et déjà affirmer que le rôle de l’ASN doit être renforcé et que ses décisions doivent être respectées par les entreprises.
Mag FCE : dans ses 23 pages de synthèse, le rapport souligne que « la crédibilité du modèle EPR et la capacité à réussir de nouvelles constructions de centrales sont sérieusement ébranlées », de quoi s’agit-il ?
Yannick : l’EPR est le réacteur nucléaire de troisième génération. En construction depuis plusieurs années en Finlande à Olkiluoto et à Flamanville, les chantiers rencontrent de nombreuses difficultés liées à des choix de conception, de puissance et de systèmes de sécurité. Par ailleurs la question se pose de produits et de réacteurs plus petits qui seraient plus compétitifs. Le rapport propose impérativement d’effectuer un retour d’expérience sur ces chantiers. La CFDT, pour sa part estime que le chantier prévu à Penly n’est pour l’instant pas nécessaire.
Mag FCE : On voit que le rapport comporte de nombreux aspects « techniques, économiques et de sûreté », mais contient-il quelques paragraphes ou analyses en lien avec l’emploi ?
Yannick : Il y a un chapitre sur le cycle du combustible et notamment la gestion des déchets, un autre traite de la compétitivité. Il y a aussi, la recherche et développement ainsi que la compétitivité. Quant à l’emploi, une seule page lui est consacrée. Elle souligne particulièrement les prochains départs des générations embauchées en 1970-1980 qui vont partir à la retraite et qui doivent être remplacés. Il faut donc préserver les savoirs et savoir-faire acquis pour former la nouvelle génération.
Outre les remarques et réserves faites plus haut, on retient de cette synthèse quelques points positifs. Le document a le mérite de condenser beaucoup de questions qui jusque là ne trouvaient pas de cohérence. Il présente ainsi les évolutions en termes d’allongement de la durée de fonctionnement des centrales, de 25 à 40 ans, et la création d’un campus consacré à la formation.
Je voudrais terminer en soulignant que la synthèse fait état de 15 recommandations, dont trois sont qualifiées de mesures d’urgence. Elles sont directement liées aux centrales EPR, et mettent en avant la nécessité d’achever les travaux commencés.
Pour lire la synthèse dans son intégralité : www.elysee.fr/president/root/bank_objects/
synthese_roussely.pdf
LES TROIS MESURES D’URGENCE
1/ Assurer, sous la responsabilité d’Areva, l’achèvement du chantier d’Olkiluoto dans les meilleures conditions.
L’avis de la FCE : C’est une évidence mais c’est à la gouvernance d’Areva et à son management d’en décider.
2 / Établir un plan d’actions prioritaires, sous la responsabilité d’EDF, pour garantir la construction de la centrale nucléaire Flamanville 3 dans les meilleures conditions de coût et de délais.
L’avis de la FCE : là encore, c’est à l’entreprise EDF de décider des actions à mener et de se donner les moyens d’aboutir. En cela la CFDT ne peut qu’approuver un tel vœu.
3 / Assurer un retour d’expérience des chantiers de construction d’Olkiluoto et Flamanville 3 avant celui de Penly 3 et dans des délais compatibles avec le calendrier des réalisations d’EPR au Royaume-Uni.
L’avis de la FCE : Le Retour d’Expérience (REX) du chantier finlandais n’a pas bénéficié à Flamanville. Si le REX attendu de Flamanville ne peut non plus être utile au site de Penly, l’image ainsi donnée serait alors très dommageable sur la capacité industrielle à construire des EPR.
LE RAPPORT ROUSSELY
C’est dans une lettre d’octobre 2009 que Nicolas Sarkozy s’adresse à François Roussely, ancien patron d’EDF devenu vice président Europe du Crédit Suisse et Président honoraire d’EDF, et lui demande de mener une étude approfondie sur l’avenir de l’énergie nucléaire civile à l’horizon 2030. L’étude devra déboucher sur des orientations concrètes et éclairer les décisions que devra prendre l’Etat vis-à-vis de la filière. Dans sa lettre, le président de la République énumère les principaux aspects qui devront être traités. Le rapport est remis en mai 2010 mais le gouvernement ne va en rendre public qu’une synthèse à la fin du mois de juillet. Cette synthèse a été remise aux organisations syndicales pour avis. C’est dans ce cadre que le groupe de travail Energie-Climat de la FCE-CFDT a examiné le document. On peut ici noter que c’est en décembre 2009 que la France a été écartée pour la construction de quatre réacteurs nucléaire à Abu Dhabi.
LA FILIERE NUCLEAIRE
Avec quelques 200 000 emplois directs et indirects, la filière occupe une place d’importance dans l’industrie. Elle se caractérise par des exigences de sûreté et de sécurité. EDF exploite un parc de 58 centrales en France et 15 en Grande-Bretagne. EDF est le plus important producteur mondial. On compte aussi AREVA qui se consacre notamment au combustible nucléaire et à la conception et fourniture de chaudières. Il y a aussi ALSTOM, BOUYGUES et VINCI. Ce sont aussi 200 PME spécialisées. Et l’on ne peut manquer de mentionner les autres acteurs de la filière nucléaire que sont le Commissariat à l’énergie atomiques et aux énergies alternatives (CEA), l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et l’Agence Nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA). été écartée pour la construction de quatre réacteurs nucléaire à Abu Dhabi.