La sous-estimation des risques d’explosion des ammonitrates et la sous-traitance de cette activité non perçue comme dangereuse, seraient parmi les causes de la catastrophe qui s’est produite dans l’usine AZF à Toulouse, le 21 septembre 2001.
La société Grande Paroisse du groupe Total, propriétaire du site AZF et filiale du groupe Total, est mise en examen en tant que personne morale pour homicides et blessures involontaires. Jusqu’ici, n’étaient mis en examen que le directeur de l’usine et un des salariés d’une entreprise sous-traitante. Cette nouvelle mise en examen intervient après la présentation aux parties civiles, le 16 mai dernier, du rapport définitif des experts judiciaires. Ce rapport final vient conforter la thèse d’un accident chimique favorisé par des négligences dans l’organisation du travail et la gestion du traitement des déchets chimiques.
La fédération étudie ce dossier long et détaillé. Elle le fait en relation avec les militants du groupe directement concernés, mais aussi avec les experts syndicaux ou autres, et son avocat. Celui-là représente, outre la fédération, les différentes structures qui se sont portées parties civiles dans cette affaire (syndicats, unions départementales et régionales). La FCE-CFDT a d’ores et déjà fait savoir qu’elle se réservait la possibilité de réagir sur les différentes expertises, et notamment le rapport final. Dans ce dernier, les nombreuses hypothèses avancées précédemment pour expliquer l’origine de l’explosion (effets sismiques, onde aérienne, effets lumineux, météorite), sont une à une démontées. En revanche, une série d’indices graves et concordants, étayée par différentes constatations et expertises, a conduit les magistrats instructeurs à retenir la thèse de l’accident chimique.
Extraits du rapport d’expertise final
« Il ressort de nos investigations, en cohérence avec l’ensemble des travaux des experts adjoints et des autres experts, que la cause de l’explosion est accidentelle et liée à un processus chimique entre deux produits fabriqués sur le site : le nitrate d’ammonium et le dichloro-isocyanurate de sodium. La mise en contact de ces deux composés a permis la formation de trichlorure d’azote. C’est ce produit, assimilable à un explosif primaire, qui a ensuite entraîné la détonation des nitrates d’ammonium stockés dans le bâtiment 221. »
« Plus précisément, ce processus chimique a été initié dans la matinée du 21 septembre 2001, environ 20 minutes avant l’explosion, lors du déversement sur le sol humide du box du bâtiment 221 d’une masse d’environ 500 kilogrammes de produits constitués majoritairement de NAI (nitrate d’ammonium industriel) et de quelques kilogrammes de DCCNa. »
Selon le rapport, « la perte de mémoire des dangers liés au NAI, dans un enchaînement malheureusement classique, a entraîné et a conduit à des négligences et manquements en série. Les dysfonctionnements, dérives et manquements réglementaires ayant permis l’occurrence de l’explosion survenue dans le bâtiment 221, résultaient de la méconnaissance, par les principaux responsables du site AZF de Toulouse, de la réelle dangerosité des nitrates d’ammonium entreposés dans le bâtiment qui en fait constituaient, comme les faits l’ont confirmé, des explosifs potentiels. ».
Le groupe Total réfute ces conclusions. La FCE lui demande de faire connaître rapidement les éléments et les arguments dont il dispose. Rien ne saurait justifier, si elle est avérée, la dissimulation d’éléments utiles à l’enquête. La FCE agit et agira pour que toute la lumière soit faite sur les circonstances et les responsabilités de cette catastrophe. Elle considère qu’il est essentiel de répondre à toutes les questions dans la transparence et la recherche de la vérité. Cela, dans l’intérêt des salariés, des citoyens et des industries à risques. Car ce qui est en jeu, c’est la capacité de nos sociétés modernes à maîtriser le risque industriel.
Histoire et rappel des faits
Il faut se remettre en mémoire le contexte et les conditions dans lesquelles, il y a cinq ans, le 21 septembre 2001, une terrible explosion dans le bâtiment 221 de l’usine AZF à Toulouse faisait 30 morts et des milliers de blessés. Le traumatisme créé par cet accident industriel le plus grave jamais survenu en France, a donné lieu à une vaste concertation nationale débouchant sur la promulgation d’une loi sur les risques industriels dite Loi Bachelot.
L’analyse de la FCE-CFDT l’a conduite à s’investir dans la conduite d’un débat sans précédent au niveau de la branche des industries chimiques. Débat qui a abouti à la négociation et la conclusion d’un accord qui oblige à encadrer l’utilisation de la sous-traitance sur les sites à risques, notamment les sites classés Seveso seuil haut.
Aujourd’hui encore, le patronat à travers ses choix d’organisation du travail non concertés, sa volonté d’élever en dogme l’externalisation du maximum d’activités, sa recherche permanente des coûts les plus bas, et le court terme comme seules politique et stratégie industrielles, n’est toujours pas à la hauteur des enjeux propres à cette profession.