MAG FCE : Pourquoi demandez-vous au groupe Engie et à son actionnaire de référence, en l’occurrence l’Etat, que sa raison d’être se transforme en entreprise à mission ?
José Belo Dos Reis : Comme vous le précisez dans votre question, le groupe Engie s’est doté l’an dernier d’une raison d’être, qui vise à conjuguer social et urgence climatique. Sur ces deux dimensions, nous sommes conduits à douter de l’ambition réelle du groupe, qui conserve des participations dans le charbon et ne dispose pas d’une vision claire sur le gaz de schiste.
Nous sommes persuadés qu’il faut dès à présent construire une stratégie durable, inscrite dans le long terme, soucieuse de la préservation de l’environnement et respectueuse des femmes et des hommes qui contribuent à créer au quotidien la valeur et la richesse du groupe.
MAG FCE : Pourquoi ? La raison d’être n’est pas suffisante ?
José : Comment vous dire… la raison d’être est une première étape avant de devenir entreprise à mission, contrairement aux idées reçues, le changement n’est pas anodin. La première étape permet à l’entreprise d’afficher et de donner un sens à son action, même si cela peut se traduire par un simple slogan et/ou une action de communication.
En revanche, la transformation en entreprise à mission permet d’engager et d’obtenir l’adhésion de l’ensemble des acteurs de l’entreprise sur une dynamique orientée sur le long terme.
Elle engage ainsi formellement les dirigeants et les actionnaires à déployer les moyens nécessaires pour poursuivre la mission : plus que des objectifs, la société prend des engagements pour mettre en œuvre la mission qu’elle s’est fixée.
La mission offre aussi l’avantage de prendre en compte les aspirations des jeunes générations. A cet égard, elle constitue un puissant outil de la marque employeur et une source d’attractivité accrue des salariés, des clients et des investisseurs.
La mission vient compléter les statuts de l’entreprise en y inscrivant les engagements sociaux et environnementaux qu’elle se donne, et les moyens dédiés pour les atteindre, sous le contrôle d’un organisme indépendant chargé de vérifier leur bonne exécution.
MAG FCE : Comment la direction du groupe accueille-t-elle votre démarche ?
José : Cette revendication CFDT est quelque peu embarrassante pour une direction qui a bien conscience que cette alternative est complètement valable. La « mission » apporterait des contraintes supplémentaires dans sa gestion au quotidien. Cela signifierait pour Engie d’accepter un régime de sanction en cas de non-respect de ses engagements.
MAG FCE : Comment envisagez-vous la suite de votre démarche ?
José : En interne, nous organisons des échanges réguliers avec l’ensemble des adhérents, nous organisons également via YouTube des échanges avec l’ensemble des salariés, qui découvrent notre initiative.
Nous démultiplions et dialoguons avec tous les acteurs (ONG, investisseurs, responsables, élus locaux, et bien sûr l’Etat au titre d’actionnaire de référence) afin de convaincre sur le bien-fondé de notre démarche.
Certains, comme le Forum d’Investissement Responsable (FIR, regardent avec intérêt la démarche de la CFDT.
MAG FCE : Quel message souhaitez-vous faire passer à nos lecteurs ?
José : L’économie n’est pas un gros mot si elle est au service des populations. Demander à une entreprise de tenir ses engagements est considéré par certains comme une « aberration », par d’autres comme un « mal nécessaire », par la CFDT, positivement, comme une innovation.
Un pas de plus permettant à chacun le pouvoir de vivre, dans un cadre commun en protégeant notre avenir et celui des générations futures, en remettant l’exigence de justice sociale au cœur de l’économie, en préparant notre avenir en cessant de faire du court terme l’alpha et l’oméga de nos politiques publiques, et enfin en partageant le pouvoir pour que chacun puisse prendre sa part dans la transformation de nos vies.
