Les 31 mars, 1er et 2 avril, 60 militantes et militants de la FCE ont placé l’adhésion des salariés à la CFDT au cœur de leur réflexion.
Ce rassemblement, traduction de la mobilisation fédérale pour un syndicalisme d’adhérents, était placé sous le signe du partage d’expériences. Témoignages, échanges, confrontation des pratiques étaient au programme.
Dès le premier jour, le ton est donné par les militantes et militants de sections syndicales venus témoigner des conditions de leur réussite en matière de développement syndical. D’emblée, tous évoquent leur souci permanent d’être à l’écoute des salariés. Chacun avec sa façon de faire, de la plus intuitive à la plus élaborée, mais tous partagent le même but : expliquer aux collègues salariés l’intérêt de rejoindre la CFDT.
Une question se pose : comment fédérer les différentes structures de la CFDT pour répondre collectivement à cet impératif de développement ? Deux jours de ce rassemblement ont été consacrés à cette réflexion en prenant appui sur l’expérience des responsables présents.
Nous avons souhaité partager les temps forts de cette rencontre fédérale. Retour sur trois journées riches en enseignements.
Ouverture du rassemblement
Le développement de la CFDT, un enjeu confédéral
Jacky Bontems, membre du bureau national confédéral, a salué l’initiative de notre fédération. En replaçant ce rassemblement fédéral dans le cadre confédéral, il a souhaité souligner avec force plusieurs aspects majeurs liés au développement. Extraits.
« Le syndicalisme d’adhérents, ce n’est pas simplement des moyens et des troupes. Développer la syndicalisation, c’est un objectif en soi : avoir dans une organisation syndicale des salariés, des hommes et des femmes, qui participent à l’action syndicale, sont informés, donnent leurs opinions, s’investissent sont consultés. »
« Nous devons être au plus près des réalités professionnelles ou sociales, pour mieux les connaître, nous appuyer sur les aspirations exprimées par les salariés, bref partir du réel pour enrichir nos politiques revendicatives et renforcer notre légitimité. »
« Cela veut dire revaloriser l’action et l’organisation collective. Car finalement, accueillir des salariés nouveaux, c’est leur permettre de s’engager avec d’autres, de participer à un projet collectif. C’est ainsi que s’affine et se consolide la conscience, qu’il y a une solidarité et une dimension collective de l’action. C’est le terreau qui fertilise nos valeurs d’émancipation des individus et des groupes. »
« Faire le choix de l’apprentissage de la démocratie. Quand on a des adhérents, quand on les fait participer, quand on les rencontre, il y a forcément des débats, des échanges, une plus grande richesse. Plus il y a des adhérents avec des réalités différentes, plus le débat est riche, plus il y a démocratie. »
« Nous devons accueillir les jeunes salariés dans notre organisation. Combien sont-ils dans les postes à responsabilités et quelle est la moyenne d’âge de notre tissu militant, de nos responsables ? Il suffit de regarder autour de nous pour saisir nos réalités et ce qui nous attend dans 5 ou 10 ans si rien ne change. Il nous faut valoriser les nouvelles formes de militances en considérant les plus que peuvent apporter les jeunes dans une organisation, et savoir accepter des modes d’engagement différents de ceux que les générations précédentes ont pu connaître. »
1ère table ronde
La syndicalisation, une question centrale
«Le contact de terrain est incontournable»
Emmanuel Benoit et Thierry Clevy de Passavant la Rochère (branche verre), Gilbert Barteau de Trelleborg (branche caoutchouc) et Alain Roux de BP (branche pétrole) ont partagé leurs expériences sur leurs pratiques de développement et de syndicalisation.
Passavant la Rochère compte 232 salariés et 62 adhérents, avec une moyenne d’âge jeune : 38 ans. Durant de nombreuses années, la section n’a compté que 4 adhérents. Suite à la négociation d’un accord de Robien, Emmanuel est devenu délégué syndical. Et s’il est devenu militant, c’est grâce au premier contact avec le syndicat. La force de la section ? Etre militant syndical et non militant d’entreprise. Les résultats ? « On fait des adhérents parce qu’on est bon. » Le dialogue social est nécessaire pour assurer la pérennité de l’entreprise et « on privilégie le lien avec les salariés plutôt que les campagnes d’affichages.»
Chez l’équipementier automobile Trelleborg, la CFDT dénombre 180 adhérents sur les 1 220 salariés. Elle est majoritaire depuis 20 ans. La relève doit être assurée car la population est vieillissante. « Les gars sont sur le terrain et passent bien dans les ateliers. On ne lâche pas les gens. A chaque réunion de section, on fait des adhésions. Il n’y a pas de campagne spécifique. On traite les chantiers nécessaires comme la formation professionnelle continue et tout ce qui concerne la santé au travail, notamment les maladies professionnelles.»
A BP au siège, 40 adhérents sont présents sur les 430 salariés où les cadres sont majoritaires. Le développement et la syndicalisation sont abordés tous les mois, à chaque réunion de section. Un coordinateur développement a été mis en place. La section est structurée avec un animateur par dossier. Les établissements extérieurs sont visités régulièrement et les tournées dans les services ont été mises en place. Les pauses sont privilégiées pour aller au contact des salariés.
Les trois expériences ont mis en évidence la nécessité d’allier la mise en place d’un collectif avec l’existence de leaders qui prennent les initiatives. La formation syndicale des adhérents et des militants est un facteur d’efficacité pour défendre les salariés et porter le message CFDT. Le contact de terrain est incontournable (pauses, tournées dans les équipes ) et nécessite une véritable organisation .
2e table ronde
L’accueil des jeunes embauchés source d’adhésions
«Une bonne pratique syndicale : toujours proposer l’adhésion»
Deux sections syndicales de la fédération ont présenté leurs expériences, pratiques et répondu à de nombreuses questions. Richard Moritz et Yvon Tafforeau intervenaient pour la branche IEG (EGS Iroise), Freddy Ducornet et Marie-Agnès Ramos pour la branche chimie (Sicos). « Nous sommes une section multisites » explique Richard, « Avec 205 adhérents pour un effectif de 650 salariés, nous avons un taux de syndicalisation de plus de 30 %. Les différents accords RTT ont permis l’embauche de jeunes. Dans ce contexte, mettre en place une stratégie de contact vers les nouveaux embauchés et développer la fidélisation a été l’objectif de la section syndicale. Yvon énumère différents types d’actions : Nous considérons que chaque nouvel embauché a droit à un contact avec un militant CFDT. Pour cela nous avons organisé des matinées d’info animées par deux membres du Bureau de la section, des contacts personnalisés qui sont bien souvent assurés en dehors du temps de travail. Dans sa présentation, Yvon explique : Notre rôle de militant CFDT est d’informer les jeunes, de maintenir le contact. Nous leur donnons CFDT magazine spécial impôts. Ensuite dans un délai qui ne dépasse pas une année, nous leur proposons l’adhésion. Si l’adhésion se concrétise, ils ont accès rapidement à la formation syndicale . Si ce travail nécessite un suivi précise Richard il est payant. Actuellement nous suivons trente-trois jeunes embauchés. A chaque réunion de Bureau figure un point sur l’adhésion .
Marie-Agnès et Freddy ont une pratique différente : « Notre entreprise a un effectif de 750 salariés et nous avons 300 adhérents. Nous n’avons jamais mis en place de politique particulière d’adhésion. Mais la section s’est fixée des objectifs. La mise en place de la réduction du temps de travail par exemple c’est 80 embauches. L’objectif est simple : 40 adhésions. Mais pour cela il faut être présent sur le terrain, démontrer et expliquer notre action. Il faut oser se vendre. Nous avons une démarche personnelle auprès du nouvel embauché, nous lui expliquons ce que c’est la CFDT, à quoi ça sert. » Marie-Agnès et Freddy expliquent ensuite la prise en charge du développement au sein de la section : « chaque élu a un mandat qu’il détient de la CFDT. Une réunion de tous les élus a lieu chaque semaine avec un ordre du jour dont la syndicalisation. Chaque élu CFDT doit faire des adhésions et informer les adhérents, peu importe leur mandat. Actuellement notre réflexion porte sur la mise en place du travail de nuit qui doit créer 30 emplois, ce qui correspond à 30 futurs adhérents. » Freddy conclut : « Une bonne pratique syndicale, c’est avoir du bagout et proposer constamment l’adhésion ».
3e table ronde
L’adhésion, un acte militant ?
« Quand on veut, on peut»
Günter Bartling du groupe pharmaceutique Beaufour, Jacques Groussin de L’Ardounière, PME de la plasturgie, Daniel Chatrel d’Arc international, groupe verrier de 12 000 personnes ont participé à cette table ronde.
La progression de l’adhésion est nette et régulière sur le site toulonnais de Beaufour (une centaine de salariés). Deux adhérents en 1999, six en 2001 puis, sous l’impulsion de son nouveau délégué syndical, la section se retrouve à 41 adhérents début 2003. Dans une entreprise où l’implantation syndicale a toujours posé problème en raison de l’attitude hostile de la direction, la crédibilité affirmée de la CFDT attire toujours davantage de salariés et pourrait faire tache d’huile sur d’autres sites du groupe.
Les dossiers plaidés aux prud’hommes par la section de l’Ardounière sont à l’origine de l’excellent taux de syndicalisation. Quarante dossiers gagnants, évidemment ça aide ! Les actions internes, comme une action récente pour obtenir la revalorisation des salaires, sont bien perçues. Certains considèrent la carte comme une assurance et ont besoin d’un peu de pédagogie
Chez Arc international, on revient de loin. Après avoir quasiment disparu, la section renaît depuis 1999, passant en quelques mois de 50 à 103 adhérents. Ce mouvement ne devrait pas s’arrêter si on en juge sur les dernières élections où la CFDT a récolté 60 % des voix. D’autant plus que chaque syndiqué a pour objectif permanent de discuter adhésion avec un sympathisant.
Le débat avec la salle a permis à chacun de démontrer que ces progressions se font grâce à une conviction et un comportement adaptés. Le travail effectué, notamment à travers les négociations et les instances représentatives du personnel, est visible grâce à une information permanente, privilégiant l’adhérent. Les promesses sont tenues. Le travail de proximité est permanent, rien ne remplace un contact régulier.
Sur la question posée, qui revient à se demander si la démarche de syndicalisation est une action collective ou la démarche de quelques spécialistes, le débat avec la salle a permis de démontrer la dimension essentielle d’objectifs collectifs et d’une démarche relayée par un maximum d’adhérents. De la quasi-obligation instituée par la section d’Arc international aux objectifs « martiaux » élaborés par l’ancien militaire Günter chez Beaufour, la dimension « quand on veut on peut » a été un fil rouge des témoignages produits.
Intervention de Patrick Pierron
«L’adhésion n’est pas un acte naturel, il faut passer du dire au faire»
Lors du congrès fondateur de la fédération chimie énergie de 1997, nous avions clairement identifié un objectif de syndicalisation. L’ambition de doubler notre nombre d’adhérents dans les 10 ans qui suivaient a été débattue et adoptée par l’ensemble des syndicats. Cette démarche devait amener notre fédération à progresser de façon continue d’environ 7 % par an. Cette politique volontariste en faveur du développement avait pour but principal de renforcer notre rapport de force dans les entreprises afin de peser plus fortement qu’aujourd’hui sur les choix des dirigeants. L’augmentation de notre effectif est une condition indispensable pour que l’emploi et les aspects sociaux soient pris en compte et soient incontournables dans les négociations. Le bilan de 2002 dans ce domaine confirme une régression de notre taux de progression. Avec un solde positif de 1,65 %, la FCE s’éloigne de l’objectif qui a été déterminé collectivement. Ce constat doit interpeller tous les militants de notre organisation. Un second souffle est nécessaire pour rebondir. Plus qu’une option, c’est un défi que nous devons relever ensemble. C’est aussi un état d’esprit de gagnants qu’il faut acquérir. Cela passera par un renforcement de notre savoir faire et un renforcement de notre lien avec les salariés. Notre engagement militant doit avoir le souci permanent de mettre le développement au cœur de notre action syndicale quotidienne en l’articulant avec la politique revendicative. Cette orientation doit impérativement impliquer tous les militants qu’ils aient des responsabilités nationales, régionales ou locales. Bien entendu, cette dynamique doit être accompagnée par une démarche de formation individuelle et collective en direction des militants et des collectifs. Un travail avec les syndicats doit également permettre un renforcement de nos collectifs dans les entreprises. Notre rencontre est le lancement d’une dynamique qui s’inscrit dans la durée. Le plan opérationnel que nous nous sommes fixés pour les 5 ans qui viennent est le résultat de notre prise de conscience collective et témoigne de notre volonté de rebondir afin de renforcer la CFDT dans tous les sites. Les témoignages des collectifs que nous avons entendus tout au long de la journée démontrent que nous avons le savoir faire. Les militants qui nous ont part de leurs expériences et de leurs réussites nous ont tous dit que la syndicalisation demandait de la rigueur, du professionnalisme, de la méthode, de la planification car l’adhésion n’est pas un acte naturel pour la majorité des salariés.
Le compte à rebours est lancé. L’objectif est à notre portée. Allons voir les salariés et proposons leur une adhésion à la CFDT. Passer du dire au faire pour développer notre organisation n’est pas seulement une expression ou un affichage, c’est avant tout notre devoir de syndicaliste.
Conclusion des trois journées
Des militants de tous horizons, un objectif commun
«Contribuer ensemble au développement de la CFDT»
Qu’il soit national, régional ou local, qu’il intervienne plus sur des dossiers d’entreprise, sur de la formation ou du juridique, chaque responsable est un maillon essentiel de la grande chaîne militante de la FCE CFDT. Mais cette chaîne doit sa solidité et sa longévité au nombre et à la diversité des adhérents qui la soutiennent. 60 militants ont réfléchi à une meilleure articulation entre les différents lieux syndicaux pour favoriser l’adhésion des salariés à la CFDT.
Le militant, par son action au quotidien, c’est indéniable, contribue à tirer vers le haut les conditions de vie et de travail des salariés. Cette action se trouve renforcée lorsqu’elle s’appuie sur des adhérents nombreux. Parce qu’à la CFDT, les adhérents jouent un rôle majeur, dans le débat d’idées, sur les choix revendicatifs et les grands dossiers, sur la vie même de l’organisation. Ils sont le poumon de notre organisation.
Et plus les salariés la rejoindront, plus la CFDT aura du souffle pour faire avancer leurs revendications.
Comment persuader un maximum de salariés de rejoindre la CFDT ? C’est à la fois simple et exigeant. Simple car l’expérience montre que le salarié, convaincu par l’action de la CFDT, devient naturellement adhérent lorsqu’on le lui propose. Exigeant, parce que pour convaincre, il faut, sur le terrain, expliquer sans relâche notre engagement et l’importance du fait syndical, valoriser en permanence nos actions et nos résultats.
Les participants ont évoqué la nécessité de mieux armer les militants des sections syndicales. Plus de formations, des liens renforcés avec les autres lieux ressources de la fédération, des aides ponctuelles ciblées sur des opérations articulant l’action revendicative et le développement, doivent permettre de répondre à cette exigence.
Dans ce schéma, les 27 syndicats régionaux de la FCE CFDT auront un rôle clé. Véritable lieu de coordination des ressources syndicales existantes, ils organiseront et piloteront les opérations d’aide aux sections syndicales.
Avec l’ambition de former une chaîne CFDT aux maillons rendus inoxydables par la force de ses adhérents.