Le 21 septembre 2001, 10 jours après le terrible attentat du World Trade Center, aux États-Unis, le site d’AZF Grande Paroisse de Toulouse, classé Seveso, filiale du groupe Total, explose et provoque la mort de 31 salariés et des dégâts humains et matériels sans précédents, touchant plus d’une dizaine de milliers de riverains.
Les 2 catastrophes étant très rapprochées, il a été un temps envisagé que l’explosion d’AZF soit elle aussi le fruit d’un attentat. Aussi, les raisons de cette explosion ont longuement été sujettes à de nombreux scénarios, dont certains totalement invraisemblables.
Il était pourtant primordial de comprendre pourquoi et comment cette catastrophe sans précédent avait pu se dérouler, afin de mettre en œuvre des actions pour que cela ne se reproduise plus jamais.
Le site était classé Seveso, son activité portait sur la fabrication d’engrais chimiques, d’où des stocks de produits dangereux, contraignant l’entreprise à s’investir sans faille dans la sécurisation des salariés par une organisation du travail efficiente. Et, c’est bien là où le bât blesse !
Les équipes CFDT, par le biais des IRP (CE, CHSCT) avaient alerté à plusieurs reprises la direction du site et avaient fait intervenir l’inspection du travail sur des dysfonctionnements importants dans l’organisation du travail, et ce bien avant que l’explosion de ne produise. Alors que le site employait 600 salariés, environ le tiers des effectifs était des sous-traitants et des intérimaires (sur les 21 salariés décédés à la suite de l’explosion de l’usine AZF, 11 étaient des sous-traitants). Il y avait une multiplication des acteurs, notamment sur la gestion et le traitement des déchets (trois entreprises extérieures intervenaient). Le directeur du site, pourtant alerté par les IRP, a reconnu lors des procédures judiciaires qu’il ignorait qui faisait quoi au sein de son usine, où pourtant de nombreux produits dangereux étaient manipulés. Cette méconnaissance se matérialisait notamment par une absence totale de formation à la sécurité des sous-traitants pourtant préconisée et indispensable sur un site à haut risque industriel. Cela a d’ailleurs été reconnu par une enquête de l’inspection du travail en 2002, qui a noté des violations au code du Travail sur les prescriptions en matière d’hygiène et de sécurité relevant de la responsabilité des entreprises d’accueil de sous-traitants (carence en matière d’information due à l’absence de signalisation du risque d’explosion des nitrates, absence de document technique traitant de l’intervention des sous-traitants, absence de procédure de contrôle).
Malgré l’investissement des élus et des mandatés, l’entreprise est restée sourde. Pourtant, la CFDT dénonçait, avant le drame, l’existence sur le site d’une politique d’économies à outrance, l’absence de contrôle sur les conditions d’intervention des sous-traitants, et leurs conditions de travail. La CFDT avait pour slogan à l’époque : « Pas de rentabilité avec la sécurité ». Par son silence, la direction a mis en danger ses salariés et, au-delà, toute une ville, encore traumatisée à ce jour.
Aujourd’hui, après plus de 16 années de procédures, pendant lesquelles la CFDT par le biais des structures régionales, locales et fédérale s’est constituée partie civile pour défendre la santé et la sécurité des salariés, des sous-traitants, la Cour d’appel de Paris a tranché le 31 octobre : AZF Grande Paroisse n’est pas la cause d’un attentat, mais bel et bien le résultat de plusieurs facteurs d’inobservation aux règles de sécurité, ce que relevaient, dans leurs différents signaux d’alerte, les OS et les IRP. Le responsable du site et la société ont été condamnés pour homicide involontaire, négligence, blessures involontaires à respectivement 15 mois d’emprisonnement avec sursis et à 225 000 € d’amende.
Cette catastrophe démontre le rôle majeur qu’ont joué les OS et les IRP. Le CHSCT, désormais la commission santé, sécurité et conditions de travail, mise en œuvre par les ordonnances Macron, doit être une instance présente dans chaque site et garante de son rôle de veille sur la santé, la sécurité et les conditions de travail de toutes personnes intervenant sur un site industriel, qu’il soit classé Seveso ou non.