La rédaction du magazine Chimie énergie s’est entretenue avec André Canovas, secrétaire national de la FCE chargé de l’animation de la liaison Gaz, pour évoquer l’avenir de Gaz de France.
Chimie énergie : Dans le débat pour ou contre l’ouverture du capital de Gaz de France, quelle est la position de la FCE-CFDT ?
André Canovas : Pour la FCE, poser l’avenir de l’entreprise sous le seul angle de la composition de son capital ne répond pas aux questions qui seront posées demain à Gaz de France.
Cette approche ne peut qu’amorcer un débat où les dogmes s’affrontent sur fond clivé entre les « tout marché » et les « tout public » au détriment de Gaz de France et de ses agents.
C. E. : Comment poseriez-vous cette problématique ?
A. C. : Avec la libéralisation des marchés, décidée par la Commission européenne avec l’aval de tous les gouvernements nationaux, l’avenir de Gaz de France comme opérateur industriel est posé. Gaz de France va devoir affronter des concurrents aux capacités financières importantes comme les pétrogaziers par exemple.
Pour la CFDT, l’évolution de l’entreprise doit se faire à partir d’un projet industriel clairement identifié et partagé par ses salariés. Ce projet industriel doit assurer la pérennité de l’entreprise et de l’emploi au sein du groupe.
C’est dans cet esprit que la FCE a demandé au ministère de l’Industrie de constituer une table ronde entre pouvoirs publics, élus, syndicats et directions afin d’avoir des échanges de clarification sur le sujet.
C. E. : Pour la FCE, quel est l’avenir de Gaz de France ?
A. C. : Pour la FCE-CFDT, l’évolution de Gaz de France doit se faire avec ses salariés et non contre eux. Le développement de Gaz de France doit permettre le renforcement de ses capacités de production et la diversification de ses offres multiénergies et multiservices. Il doit renforcer sa présence en Europe.
Ces perspectives doivent assurer un accroissement de l’emploi et une meilleure répartition des richesses produites et des garanties sociales fortes.
C. E. : Aujourd’hui, n’est-ce pas le cas ?
A. C. : Non ! Le développement de Gaz de France, comme dans les autres groupes, n’est pas accompagné de garanties collectives et individuelles pour les salariés du groupe tant dans la maison mère que dans les filiales.
La FCE-CFDT a proposé à la direction de Gaz de France un accord social et éthique pour tout le groupe industriel.
Notre proposition, qui est à double détente, aurait le mérite de clarifier l’engagement de l’entreprise concernant son comportement à l’extérieur de ses murs (environnement, sous-traitance, accès à l’énergie des populations défavorisées, développement local ), bref, ce qu’on appelle un comportement éthique partout où le groupe est implanté.
Par ailleurs, il ouvrirait des perspectives de garanties et de droits nouveaux pour l’ensemble des salariés du groupe où qu’ils soient et quel que soit leur statut. La contractualisation d’un tel accord permettrait une vraie transparence, un contrôle des mesures de la part des directions et des fédérations syndicales signataires.
C. E. : Quelle est la réponse de Gaz de France ?
A. C. : Gaz de France n’a pas compris l’intérêt d’apparaître comme une entreprise innovante : un accord éthique et social (une première dans le monde !) donnerait un crédit incontestable à l’opération.
Mais ses dirigeants, par frilosité, préfèrent s’en tenir à un affichage de bonnes intentions afin de valoriser l’image médiatique du groupe.
Pour la FCE-CFDT, l’affichage médiatique ne suffit pas ! Pour être exemplaire, il faut poser des actes concrets.
La FCE ne soutiendra pas un texte unilatéral de la direction (charte), même précédé d’un semblant de concertation. Notre rôle n’est pas de servir de caution aux décisions managériales.
C. E. : Gaz de France doit-il répondre aux missions de service public dans ce nouveau contexte ?
A. C. : Oui, plus qu’hier ! Cela fait partie des droits fondamentaux des citoyens. Les missions de service public doivent être définies par la représentation nationale et être inscrite dans la législation comme cela a été fait pour l’électricité en février 2000.
Ces missions de service public doivent s’imposer à l’ensemble des opérateurs gaziers du territoire.
Le droit à l’énergie et au chauffage, la péréquation, la continuité de fourniture et la sécurité des installations intérieures sont autant de sujets qui doivent être repris dans une loi Gaz. C’est dans ce sens que nous avons interpellé à plusieurs reprises les pouvoirs publics, pour l’instant en vain.