Face au chantage à l’emploi qu’a exercé la direction de l’usine Continental du site de Sarreguemines, en Moselle, les organisations syndicales ont dû se résoudre à négocier des contreparties à une augmentation du temps de travail. Grâce au travail pugnace des militants de la FCE-CFDT, ces contreparties sont loin d’être négligeables pour les salariés.
Depuis plusieurs années, argumentant de la pression faite par le secteur automobile sur la baisse des prix des pneumatiques, la direction du groupe allemand Continental mène un vaste projet de réduction des coûts. Un projet qui, entre autres mesures, se décline via l’augmentation du temps de travail des salariés. En Allemagne tout d’abord, et à grand coup de renfort médiatique, les salariés sont repassés en 2005 aux 40 heures hebdomadaires. En septembre 2007, c’est au tour de l’usine de Clairoix dans l’Oise, où la CGC et la CFTC signent un avenant à l’accord de RTT qui, notamment, augmente le temps de travail de l’ensemble des salariés.
LA PRESSION EXERCÉE SUR LES OS.
A l’usine de Sarreguemines en Moselle, cela faisait près de deux ans que la direction faisait pression sur les organisations syndicales et les élus du personnel pour renégocier l’accord de RTT conclu en décembre 1999. Mais les organisations syndicales, l’équipe de la FCE-CFDT en tête, tiennent bon et refusent de remettre en cause les 35 heures, un acquis pour ces salariés aux conditions de travail souvent difficiles.
UNE STRATÉGIE POUR CONTOURNER LES OS. Face à ce refus, la direction met alors en place une stratégie pour contourner les organisations syndicales. Dans un premier temps, elle forme un groupe de travail « représentatif » des salariés, bien entendu choisis par l’encadrement et chargés de faire des propositions pour répondre aux exigences du groupe en matière de réduction des coûts. Ces propositions devant être soumises à l’approbation des partenaires sociaux. Et de distribuer à l’ensemble des salariés une lettre d’information faisant état de l’avancée des travaux du groupe après chacune de ses réunions. Dans le même temps, des forums de discussion sont organisés dans l’entreprise, pour que chacun puisse connaître et comprendre le contenu du projet de la direction qu’elle baptise « donnant-gagnant ».
En novembre 2007, les choses s’accélèrent. La direction du groupe annonce que, si aucun accord n’était trouvé avec les organisations syndicales, les investissements prévus à Sarreguemines ne seraient pas réalisés, que les 50 salariés en CDD ne seraient pas embauchés en CDI, que la prime de 600 euros qui devait être versée en mars 2008 ne serait plus d’actualité, et pour finir qu’elle ne donnait plus aucune garantie quant à la pérennité du site ! La direction adresse dans le même temps à chaque salarié un DVD reprenant le contenu de son projet, ainsi que des interviews de plusieurs dirigeants exposant les difficultés des entreprises du secteur et les illustrant des fermetures d’usines, notamment celle de Kléber à Toul.
La direction organise alors un référendum auprès des salariés. Un résultat sans appel. Les salariés votent à 90 %. Plus de 74 % d’entre eux approuvent le projet de la direction.
LA NÉGOCIATION DES CONTREPARTIES.
Les organisations syndicales sont contraintes à négocier. Pour les militants de la FCE-CFDT, les contreparties à l’augmentation du temps de travail « doivent être plus que significatives ». La négociation marathon permettra en effet d’obtenir des contreparties non négligeables pour les salariés. S’il y a bien une augmentation du temps de travail, le retour aux 40 heures hebdomadaires a été évité et les mesures salariales couvrent, à priori, les majorations légales et conventionnelles en matière d’heures supplémentaires. Ce ne sont plus seulement les 50 personnes en CDD qui seront embauchées, mais 60 personnes. La garantie d’investissements importants assurant la pérennité du site a été obtenue. La pénibilité est prise en compte dans l’accord, notamment celle due à l’accroissement de la durée du travail. Enfin, le rôle du CHSCT est renforcé, et le nombre de ses membres augmenté.
Si les médias ont fait de cette affaire une vitrine du « Travailler plus, pour gagner plus », la réalité, on le voit, est toute autre. La méthode employée par la direction n’augure rien de bon dans les futures relations sociales…
CONTINENTAL
La société Continental, entreprise allemande de pneumatiques bien connue, a été fondée en 1871. Son siège social est, depuis toujours, situé à Hanovre. Continental est le premier fabricant de pneumatiques en Allemagne et le 4e mondial. Le groupe compte près de 80 000 salariés dans le monde. Quatre usines fabriquent des pneumatiques VL « high cost » : deux sont situées en Allemagne et les deux autres en France, à Clairoix dans l’Oise et Sarreguemines en Moselle. Sur le site de Sarreguemines, la section CFDT ne compte pas moins de 290 adhérents.