Fin du XIXe siècle :
catastrophe ordinaire pour ouvriers négligeables
La catastrophe sanitaire de l’amiante, et ses centaines de milliers de morts, aura couvert les trois derniers siècles. En effet, il faut revenir sur le bulletin de l’inspection du travail de 1906 relatant la tragédie de la filature d’amiante de Condé-sur-Noireau (Calvados) qui a vu mourir plusieurs dizaines d’ouvrières et ouvriers entre 1890 et 1895. Cette catastrophe sera décrite comme un « événement industriel ordinaire ».
Début du XXe siècle :
désinformation des industriels
et pouvoirs publics somnolents
Cette attention de l’administration s’assoupira pendant la première moitié du XXe siècle pour renaître avec la mise en place de la Sécurité sociale. Cependant, ce mal obscur d’un siècle inattentif ne sera plus soutenu avec insistance par les pouvoirs publics, dont c’était pourtant le rôle. Les industries transformatrices ou utilisatrices d’amiante, alertées par les revues de médecine du travail ou d’hygiène publique, ne seront pas plus émues et organiseront même la désinformation méthodique.
Cette catastrophe sociale à faible bruit conduira des centaines de milliers de personnes à payer de leur vie ce désintérêt médiatique.
Fin du XXe siècle :
prise de conscience publique et résistances industrielles
Il faudra attendre la grève de plusieurs mois des ouvrières de l’entreprise Amisol à Clermont-Ferrand pour que le scandale de l’amiante réapparaise dans les médias au début des années 70. La carence de l’employeur, qui laissera pourrir le conflit portant sur l’amélioration des conditions de travail, conduira à la liquidation judiciaire de l’entreprise et à de nombreux morts.
Un collectif réunissant des chercheurs de l’Université de Jussieu et des syndicats publiera en 1976 un ouvrage intitulé Amiante, les dangers constituant la synthèse des connaissances sur l’amiante.
C’est l’ensemble de ce mouvement qui bousculera la presse, les pouvoirs publics, et permettra la parution du décret du 17 août 1977 fixant les premières normes d’exposition et de protection.
Hélas, ce décret, réduit par les diverses pressions des industriels, marquera l’ouverture d’une ère de fausse sécurité. Il faudra attendre le 1er janvier 1997 pour que la France interdise l’utilisation industrielle de l’amiante.
Début XXIe siècle :
responsabilités des industriels
et indemnisation des victimes
Les juridictions administratives et judiciaires ont été amenées à examiner la question des responsabilités à l’occasion des contaminations professionnelles par l’amiante. Ainsi, la Cour de cassation, par ses arrêts du 28 février 2002, a redéfini l’obligation de sécurité qui pèse sur l’employeur comme une obligation de résultat.
Le Conseil d’Etat ne s’est pas encore prononcé, mais un arrêt de la Cour administrative d’appel a retenu la responsabilité de l’Etat en raison d’un retard injustifié dans la mise en place d’une réglementation efficace, puis dans la transposition d’un certain nombre de directives européennes abaissant les niveaux tolérés d’exposition.
Le laxisme et la complaisance de l’Etat face aux pressions qui s’exerçaient sur lui, mettent indiscutablement en jeu sa responsabilité.
La FCE-CFDT est engagée dans la recherche des responsabilités. Elle a été la première organisation et longtemps la seule à se porter partie civile dans ce dossier. La FCE-CFDT a déposé une plainte pénale fondamentale en 97 afin de comprendre cet aveuglement, en tirer les leçons pour l’avenir, et dénouer les liens complexes qui ont uni, pour le pire, les industriels, les experts et l’Etat.
En 2002 :
l’indécence des pouvoirs publics et du patronat
ne se cache pas
Les victimes de l’amiante attendent légitimement une indemnisation rapide, juste et équitable. Or, le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva) créé par une loi en 2000 n’a toujours pas indemnisé une seule victime (quelques provisions ont été versées).
Le gouvernement modifie régulièrement sa position et n’a fait jusqu’à présent aucune proposition sérieuse d’indemnisation. Pire, il menace les administrateurs Fiva de casser leurs décisions de barème.
Encore plus honteux, le Medef et la CGPME qui ont quitté avec fracas les instances de Sécurité sociale et la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles, tentent de siéger au CA du Fiva à l’aide d’un arrêté déclaré illégal par le Conseil constitutionnel. Après avoir retardé l’indemnisation des victimes, le gouvernement et le patronat veulent la réduire à une peau de chagrin.
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La CFDT avec les autres organisations syndicales, la Fnath et l’Andeva n’écarteront aucune forme d’action pour que justice soit rendue.