Il y a un an, Sanofi cédait le contrôle de sa filiale Opella au fonds américain CD&R. Tout juste élu Délégué Syndical Central, Adrien Mekhnache s’est retrouvé, en quelques jours, figure de proue dans la défense des droits des salariés. Aujourd’hui, entre réalité et espoir, il nous livre sa vision d’un militantisme épanoui et engagé.
Mag FCE : Comment as-tu adhéré à la CFDT ?
J’ai été embauché chez Sanofi en février 2017, et j’ai adhéré à la CFDT en novembre. L’équipe en place tenait la route, était à l’écoute des salariés, et n’avait pas de parti pris pour la direction. La négociation de l’accord Temps de travail, à l’époque, m’a définitivement convaincu. Alors que la direction essayait de faire le forcing, la CFDT a respecté le choix des salariés en se positionnant contre la signature de l’accord.
Mag FCE : Quels mandats as-tu eus avant d’être nommé DSC ?
J’ai d’abord été élu au CSE, à la CSSCT et au comité QVT RPS. En 2020, l’autonomisation de notre branche de médicaments sans ordonnance a entraîné la mise en place d’un CSE central. J’ai été porté secrétaire du CSE central pour un premier mandat, puis Adil Bensetra, DSC à l’époque, m’a fait confiance et a décidé de m’emmener dans toutes les négociations durant plus d’un an et demi. C’était hyper enrichissant. Et quand il est passé coordinateur, il a ouvert le poste de DSC, et j’ai candidaté. J’ai passé un entretien avec le délégué fédéral et le secrétaire fédéral de la branche, qui m’ont fait confiance pour m’octroyer le mandat. Aujourd’hui, je suis DSC pour l’entité industrielle d’Opella et délégué syndical Groupe. J’ai été lancé dans le grand bain dès octobre 2024, en pleine annonce de rachat, avec des rencontres de ministres sur le site de Lisieux, des échanges avec les médias locaux, nationaux… le processus d’information-consultation en CSE-C de la cession, mais également la construction d’un accord de méthode. Depuis janvier 2025, nous sommes en pleine construction du nouveau socle social Opella.
Mag FCE : Un an après la cession par Sanofi de 50 % des parts d’Opella, qu’en est-il du maintien de l’emploi et des acquis sociaux ?
On a obtenu trois ans de maintien des accords, certains tombaient de plein droit, comme l’accord intéressement/participation. Reste à avoir les chiffres finaux pour voir quelle enveloppe ça représente par salarié, mais il n’y a vraiment pas de quoi rougir quant à l’accord obtenu. En revanche, l’architecture sociale doit être remise à plat. Là, on commence à négocier l’accord comité Groupe, puis nous aborderons l’accord GEPP en termes de matière d’emploi et, d’ici à 2026, la mise en place d’un Comité européen. Pour l’instant, l’activité n’est pas au beau fixe, mais, honnêtement, le creux de la vague 2025-2026 était attendu depuis plus d’un an du fait du changement d’activité et de la cession. Même si la direction nous avait avertis, la CFDT reste vigilante. Quels que soient les sujets, on est au plus proche des salariés, on essaie de les rassurer du mieux possible. Sinon, en termes d’acquis sociaux, pour l’instant, on n’a connu ni de grosses pertes ni de changements grandiloquents.
Mag FCE : Il y a-t-il des sujets délicats à aborder avec la direction ?
La direction centrale est assez rude en affaires, et il n’est pas facile de travailler avec l’équipe RH. Aujourd’hui, on a vraiment besoin d’avoir une vision d’ensemble de l’entreprise, savoir comment la santé financière se porte, surtout que, n’étant pas coté en bourse, on n’a aucune obligation d’avoir des résultats trimestriels. Personnellement, j’attends la mise en place d’un comité Groupe parce qu’on a besoin d’avoir cette vision exhaustive. Là, on va également entrer dans la négociation d’un accord GEPP avant la fin de l’année, très attendu par nombre de salariés, notamment ceux de l’entité commerciale.
Mag FCE : La transition écologique s’invite dans le secteur pharmaceutique, qu’en est-il au niveau du groupe ?
Sur le site de Compiègne, il y a eu pas mal d’aménagements, comme la mise en place d’une nouvelle station d’épuration avec des filtres au charbon actif qui est vraiment au top de la technologie, ou un système de récupération de la chaleur dégagée par les fumées de chaudières pour réinjecter ça dans les circuits de ventilation. Il y a la mise en place également de panneaux solaires sur le parking avec des bornes de
recharge. Sur le site de Lisieux, ils sont en train de mettre en place une nouvelle station d’épuration. Beaucoup de travail sur le packaging a également été fait ces dernières années pour avoir uniquement des matériaux recyclables.
Mag FCE : Est-ce que des formations/sensibilisations sont proposées pour mieux appréhender ces changements ?
Il n’y a pas particulièrement de formation, mais davantage d’information et de sensibilisation. C’est dommage, mais je pense aussi que ce sont essentiellement les générations actuelles et à venir qui sont sensibilisées par ces problématiques environnementales. La direction répond à ses obligations légales en termes de présentation de projet. Elle tient compte de nos remarques, mais de là à les intégrer… c’est encore un autre sujet.
Mag FCE : Et sur la question de la qualité de vie au travail, du handicap, de l’égalité pro ?
Tout ce qui a trait à l’égalité hommes/femmes, c’est plutôt positif. On a des scores qui sont entre 95 et 98 sur 100 chaque année. Gros travail aussi sur l’emploi de travailleurs en situation de handicap, même s’il y a beaucoup de difficulté pour reclasser les salariés qui sont broyés, usés par des décennies de travaux postés. Les dossiers de reconnaissance d’adultes handicapés, c’est un peu plus complexe à ce niveau-là, en termes de RPS, de QVT, même si un gros boulot a été fait sur le site de Compiègne. Malheureusement, on a toujours des difficultés à être sur du primaire. On arrive toujours quand
l’incendie est déclaré. Ce n’est pas un sujet simple, mais des efforts sont faits, par exemple, une psychologue passe sur le site régulièrement, et l’employeur met à disposition de nombreux outils de prévention, sans oublier la présence d’un comité paritaire QVT/RPS.
Mag FCE : En tant que DSC, quels liens entretiens tu avec ton syndicat, la Fédération, les sections ?
J’ai des échanges très réguliers avec la Fédération. Leur soutien et leur disponibilité sont très importants. J’ai aussi beaucoup d’échanges avec mon syndicat malgré le fait que je ne sois plus DS, et je partage toutes les informations avec l’ensemble des élus et mandatés des sections. De plus, à mon arrivée au sein de la CFDT Compiègne en tant que militant, j’avais mis en place un groupe WhatsApp pour les adhérents. J’ai suivi récemment une formation sur les réseaux sociaux, et je pense qu’il ne faut pas qu’on loupe le virage là-dessus. Il faut vraiment qu’on modernise nos communications, même si on ne doit pas oublier notre présence terrain. Il faut qu’on se modernise parce que les gens ne lisent plus forcément les tracts. On est plus dans des formats vidéo ou des formats très courts type Twitter. D’ailleurs, je souhaite challenger les équipes là-dessus. Faut prendre toutes les idées. On a des militants jeunes, qui ont moins de 30 ans, donc faut aussi profiter de cette richesse-là.
Mag FCE : Un dernier mot pour conclure…
J’ai commencé comme opérateur de production et, sans la CFDT, je n’aurais jamais eu l’occasion d’aborder autant de sujets environnementaux, sociaux, juridiques, économiques… de rencontrer autant de personnes d’horizons aussi divers, d’échanger…



