Après de longues années de militantisme tous azimuts, Adil Bensetra vient d’être nommé coordonnateur chez Sanofi. Fier de cette nouvelle mission, il nous livre les secrets du tiercé gagnant CFDT : travail, passion, solidarité.
Mag FCE : Bonjour Adil, peux-tu nous parler de tes nouvelles missions ?
Aujourd’hui Sanofi compte une nouvelle architecture sociale au niveau du groupe, avec trois entités juridiques : une entité juridique SWI, qui est la plus grosse, avec huit DSC, et deux entités qui sont de la Recherche, avec deux autres DSC et deux DS. Le rôle du coordonnateur est de coordonner ces équipes, mais aussi de négocier la totalité des accords groupe, tout en étant le lien direct entre les équipes, les sections Sanofi et la Fédération.
Mag FCE : Quel est ce lien avec la Fédération ?
Il y a un vrai travail de fond avec le secrétaire fédéral et le délégué fédéral de la branche. On s’appelle souvent et ils participent régulièrement aux échanges, discutent de la stratégie CFDT. Toutes les décisions, les événements en cours, la totalité des accords sont remontés à la Fédération.
Le coordonnateur est aussi là pour impulser dans les équipes un vrai projet cohérent et en accord avec nos sections syndicales, en étant consulté pour chaque projet d’accord mis à la signature. Cette proximité avec la Fédération est essentielle, que ce soit d’un point de vue juridique, par exemple, lors de la signature d’accords, ainsi qu’un soutien et un accompagnement lors de sujet politique et médiatique…
Mag FCE : Quelles actions la CFDT met en place pour les droits des salariés dans un Groupe tel que Sanofi ?
On a énormément d’accords qui sont souvent rediscutés par la direction. Parce que, aujourd’hui, malheureusement, on est dans une situation où des gros groupes essaient systématiquement de renégocier les acquis sociaux vers le bas. Donc, notre rôle, c’est de maintenir ces acquis et de les améliorer, en signant des accords qui sont toujours avantageux pour les salariés. Là, par exemple, on a signé récemment un accord GEPP. Il est très important parce que l’entreprise est en train de se structurer, en délocalisant des fonctions à l’étranger, et en utilisant de plus en plus l’intelligence artificielle. Cela entraîne beaucoup de suppressions de postes dits « sensibles ». Nous avons donc travaillé pour trouver des solutions pour ces salariés : des formations payées par la direction, des reclassements… que chaque départ soit basé sur le volontariat, mais aussi et cela est essentiel, éviter des PSE qui pourraient être très dangereux pour les salariés les plus fragiles. On a aussi signé un accord intéressement/participation, il y a deux ans, qui a permis aux salariés d’avoir du pouvoir d’achat supplémentaire. D’ailleurs, on essaie systématiquement d’être très vigilants sur le pouvoir d’achat des salariés, surtout en temps de crise. On essaie aussi d’être réalistes, en regardant ce qui se passe dans les autres entreprises françaises. Notre force principale, c’est la responsabilité. Nous essayons
systématiquement de trouver un deal gagnant/gagnant, et les salariés nous font confiance. Pour preuve, les récents résultats aux élections qui nous confortent en tant que première OS du groupe.
Mag FCE : Tu viens d’évoquer l’IA, comment la CFDT accompagne-t-elle les salariés face à ces transformations technologiques ?
Il y a un vrai travail par rapport à l’IA, et cela fait des mois que la CFDT échange avec la direction sur le sujet. Dès septembre, octobre, on va travailler concrètement avec la direction sur l’impact réel que va avoir l’IA sur Sanofi et sur les emplois, les risques à éviter afin de mettre l’intelligence artificielle au service du salarié, et pas l’inverse. C’est la ligne que la CFDT a donné à la direction depuis le départ. Oui pour l’IA, mais au service du salarié, et non des salariés au service de l’IA. Pour nous, c’est primordial.
Mag FCE : Comment vois-tu l’avenir des salariés dans le secteur pharmaceutique ?
Pour être franc avec toi, je suis énormément inquiet, car il y a un vrai problème aujourd’hui au niveau de la pharmaceutique et de l’industriel français et européen. Très inquiet aussi par rapport à la taxe Trump sur les produits pharmaceutiques et sur la politique Sanofi qui devient de moins en moins française, et de plus en plus américanisée. Maintenant, on le voit bien dans sa stratégie, avec des millions et des milliards d’investissements aux États-Unis et beaucoup moins en France, et en Europe. Il y a eu aussi la perte de la souveraineté française sur des médicaments essentiels comme le Doliprane, et la santé grand public, en général. Récemment, on a appris la cession de Maisons-Alfort qui produit le Lovenox. Il y a une inquiétude entre la stratégie des grands groupes, des grands laboratoires, dont Sanofi, qui est quand même le plus gros laboratoire français. On a l’impression que les années à venir vont être très difficiles, et c’est pour ça qu’il faut que la CFDT reste mobilisée, forte, soudée, très solide pour essayer d’accompagner au mieux les salariés.
Mag FCE : Tu seras certainement élu délégué fédéral lors d’un prochain cdf, comment envisages-tu cette double casquette ?
C’est un honneur et une fierté de pouvoir devenir DF. Le coordonnateur est dans un périmètre national et voit beaucoup de secrétaires de syndicat différents, et il n’y a rien de mieux que le CDF pour pouvoir rencontrer tous les secrétaires de nos périmètres. C’est un point que je compte utiliser à mon avantage. J’ai été membre du CDF de mon syndicat pendant quatre ans, et j’ai énormément appris durant ces
instances. La CFDT et le CDF m’ont apporté beaucoup en maturité.
Mag FCE : Quel message aimerais-tu faire passer aux jeunes qui hésitent à s’engager syndicalement ?
Je leur dirais que, contrairement aux idées reçues, le syndicalisme permet d’évoluer, si tu es prêt à t’investir et à travailler. Je suis l’exemple parfait du petit ouvrier qui a travaillé dur et qui est monté petit à petit dans le syndicalisme. Qui s’est engagé en 2014 pour défendre les salariés et qui a rencontré de grandes personnes à la CFDT qui lui ont fait confiance. Aujourd’hui, je suis coordonnateur, j’ai une responsabilité nationale, je rencontre et discute avec tout type de métier, des chercheurs, des cadres sup, des commerciaux, des opérateurs, des techniciens… ainsi que les directions groupe France de Sanofi. Si on m’avait dit ça il y a 15 ou 20 ans, je ne l’aurais jamais cru.
D’ailleurs, je tenais à remercier quelques militants CFDT qui m’ont fait confiance et qui m’ont permis d’évoluer : Emmanuel Maingard, Jean-Luc Piat, Humberto De Sousa, William Brilland, toute ma section de Compiègne, Adrien Mekhnache et Olivier Baril, la Fédération – Philippe Bécherand, Stéphane Galiné, Dominique Bousquenaud – qui m’a fait confiance dès le départ, et mon Syndicat Picardie qui m’a formé et accompagné depuis le début.
Pour finir, je dirai juste que seul on ne fait pas grand-chose, alors que, quand on a une équipe, quand on a du monde autour de soi, quand on a la confiance des gens, il n’y a rien de plus important. Moi, je sais que, si j’en suis là, c’est, bien sûr, grâce au travail, mais surtout grâce aux personnes qui m’entourent et qui croient en moi. Je tiens à remercier mes équipes Sanofi et tous les DSC, les militants avec qui je travaille.




