A la veille du 8 mars, Journée internationale des femmes, nous avons voulu interroger la déléguée fédérale en charge de l’égalité professionnelle entre hommes et femmes.
Une thématique, on le voit, qui s’ancre souvent bien au-delà du monde du travail.
De récents accords de branche ont été signés sur l’égalité professionnelle entre hommes et femmes dans le champ fédéral de la FCE-CFDT. Ils doivent maintenant être déclinés dans les entreprises. Quels sont alors les incontournables que doivent contenir ces accords d’entreprise ? Effectivement, de nouveaux accords de branche sur l’égalité professionnelle sont venus s’ajouter à ceux déjà signés dans notre champ fédéral. Ainsi, la branche Verre s’est dotée d’un accord le 11 octobre 2007 pour la convention collective nationale (CCN) du Verre mécanique, la branche Pharmacie le 16 octobre 2007 pour la CCN Favédiag. L’objectif premier de ces accords, qu’ils soient de branche ou d’entreprise d’ailleurs, est bien de changer d’abord les mentalités. Il s’agit notamment de reconnaître que les femmes ne sont pas une catégorie de salariés, mais bien une des deux parties d’un même tout. C’est donc par cet objectif que peut débuter le préambule d’un accord.
Pour autant, changer les mentalités est abstrait, peu mesurable et ne suffit évidemment pas. Il faut des mesures concrètes, bâties sur l’analyse du rapport de situation comparée entre hommes et femmes, dont la présentation annuelle au CE est obligatoire. Car s’il est un « incontournable » pour les militants, c’est bien celui-là : se confronter à ce rapport, en extraire les éventuelles discriminations de traitement (salarial notamment) et proposer en conséquence des mesures correctives chiffrées et dont l’effet à moyen et long termes peut être mesuré.
Pour le reste, c’est prendre en compte l’organisation des rythmes de vie qui dépassent le seul cadre du travail et qui diffèrent parfois autant entre hommes et femmes qu’entre deux hommes ou deux femmes. Les nouvelles organisations sociétales (garde alternée des enfants, par exemple) ont, dans ce domaine, changé la donne. Il peut alors s’agir de mesures qui tiennent compte des obligations liées à la parentalité : bannir les réunions qui débutent à 17 heures, proposer aux hommes comme aux femmes qui partent en formation le remboursement des frais de garde de leurs enfants. Ou bien encore, rédiger de manière non sexuée les offres de recrutement, etc.
Négocier des accords d’entreprise sur l’égalité professionnelle, est-ce le seul moyen de prendre en charge cette thématique ? Evidemment non. Prendre en charge l’égalité professionnelle dans une branche ou une entreprise, c’est avant tout intégrer la dimension du genre dans toutes les négociations. Dans les NAO (NDLR. Négociations annuelles obligatoires) et les autres. Les Anglo-saxons appellent cette démarche intégrée le « gender-mainstreaming ». L’approche d’une thématique revendicative n’est pas toujours la même selon qu’on est un homme ou une femme. D’où la nécessité de construire des délégations mixtes afin de ne pas se priver d’un des deux yeux, je dirais.
Quels sont les pièges à éviter ? Il faut se méfier des mesures qui semblent tout régler au demeurant, mais dont les effets pervers et indirects ne peuvent se mesurer que plus tard. Ainsi, un exemple tout récent qui concerne la branche des Industries électrique et gazière. Pour remplacer les anticipations de départ à la retraite et les bonifications des mères de famille, le gouvernement va prendre deux mesures dont la plus emblématique donne la possibilité à la mère comme au père de s’absenter de l’entreprise pendant trois ans jusqu’aux huit ans de l’enfant, moyennant la validation gratuite des trimestres. A s’y attarder, cette mesure porte un coup à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Elle préfigure en effet le retour à la maison des femmes, puisque statistiquement ce sont encore les mères qui prennent en charge l’essentiel de l’éducation des enfants. Ne faudrait-il pas plutôt proposer des mesures qui permettent aux parents, hommes et femmes, de mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale ?
Ne faudrait-il pas aussi accepter que l’ancien modèle, dit masculin, du rapport au travail (sur-valoriser le temps de présence, fonctionner principalement par cooptation, etc.) ne soit peut-être plus le seul à être légitime ? Est-il celui qui convienne le mieux au plus grand nombre, et notamment aux femmes ? En ont-elles seulement conscience ? Sont-elles prêtes à faire reconnaître leurs différences, voire leurs besoins ? Bref, comme dit la chanson, « Eve, lève-toi ! ».