Le 28 juillet 2009, Michel Rocard remettait au président de la République un rapport sur la contribution climat énergie (CCE). Depuis, le débat a fait rage dans les rangs politiques, et dernièrement les deux tiers des Français se sont exprimés contre la taxe carbone.
Pour la FCE-CFDT, la CCE ou taxe carbone est un objectif intéressant, mais il y a plusieurs conditions à remplir pour qu’elle soit efficace économiquement, écologiquement et socialement.
En premier lieu, il est essentiel de rappeler le pourquoi d’une CCE. Le réchauffement climatique n’est plus un mythe. L’interrogation, qui subsiste, est son niveau. Beaucoup d’experts s’accordent à dire que le dernier rapport du GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) qui faisait consensus, était déjà caduc lors de sa sortie en 2007, et il n’avait pas pris en compte notamment la fonte accélérée de l’Arctique et du Groenland.
La première condition est donc d’avoir une pédagogie associée à la mise en œuvre de la CCE. Pédagogie, qui doit être partagée par les acteurs de la société civile. Le changement de comportement recherché au travers l’instauration d’une CCE ne se décrète pas !
La seconde est la mise en œuvre rapide des actions prévues dans la loi d’orientation Grenelle 1, comme par exemple l’établissement d’un plan de réduction des consommations d’énergie du parc des bâtiments existants, ou encore du plan de réduction des pollutions et des nuisances des différents modes de transports. Il ne serait pas concevable que l’on commence par une taxe, sans donner dans le même temps de perspectives d’orientations nouvelles pour notre développement économique.
La troisième est le niveau de la CCE. Ce signal prix doit être fort, le rapport Rocard préconise 32 euros la tonne de carbone et d’aller à 100 euros à l’horizon 2030. Ce prix doit être également progressif et programmé dans le temps, comme proposé dans le rapport. La proposition de 17 euros du président de la République fait prendre le risque d’une efficacité environnementale faible, sauf si le débat parlementaire permet de donner une visibilité de la valeur à atteindre (100 euros ou plus) et le rythme de la progression. N’oublions pas : quand le baril de brut est monté à près de 150 dollars courant 2008, la consommation de carburants a baissé de 2,5 %. Aujourd’hui, la consommation progresse sous l’impact de la baisse du prix du brut. La mise en place d’une CCE doit être accompagnée de plans de développement des transports en commun dans toutes les grandes villes, et d’incitations à réduire la consommation d’énergie, y compris l’électricité.
La CCE doit être une « taxe verte ». Elle ne doit pas financer la réduction de la taxe professionne lle. Elle ne doit pas remettre en cause la compétitivité des entreprises, notamment celles qui ont le gaz comme matière première ou les électro-intensives. Pour cela, de la même manière que la France a impulsé une dynamique pour faire adopter par l’Union Européenne le plan Energie/Climat en décembre 2008, elle doit transformer cette taxe carbone en taxe carbone européenne. Cette taxe doit aussi être neutre pour les citoyens, surtout les plus défavorisés. Les propositions de réduction d’impôts, qui varient selon le lieu de résidence et la composition de la famille, ne tiennent pas compte des ressources ce qui favorisent les hauts revenus. Cette neutralité peut s’exercer sous différentes formes d’aide ; l’économie d’énergie, en réduisant les coûts des transports en commun, chèque vert bonifié en cas d’investissements pour réduire les émissions de CO2, etc.
De manière schématique, les rejets de CO2 se décomposent en 25 % pour l’habitat, 25 % pour les transports, 25 % pour l’industrie et 20 % pour l’agriculture et 5 % de divers. Ces dernières années, l’industrie a sensiblement réduit ses émissions de C02 sous l’impact de directives européennes, alors que l’habitat et les transports ont continué d’émettre d’avantage de C02. Ainsi, il est logique que cette CCE concerne tous les citoyens, les administrations et les entreprises non soumises au système européen d’échange des quotas d’émissions de CO2.
Si toutes ces conditions ne sont pas remplies, cette contribution climat énergie serait complètement détournée de son objectif principal, faire changer les comportements humains. Il faut non seulement réduire de manière drastique nos émissions de CO2, mais en plus, il faut commencer à s’adapter au réchauffement climatique. Tout passe par ce changement de comportement. Il ne faut donc pas louper le coche !