L’encre de la promulgation de la loi portant réforme des régimes de retraite à peine sèche, les décrets d’application sont déjà parus. Sans concertation, dans la précipitation, ils sont parfaitement injustes.
L’ âge de départ à la retraite est passé officiellement de soixante à soixante-deux ans pour le régime général ainsi que pour le régime spécial des Industries électrique et gazière (IEG).
Pour le régime général, à compter du 1er juillet 2011, l’âge de départ augmentera de quatre mois par an, pour arriver à soixante-deux ans en 2018. Pour les IEG, cette augmentation se fera en décalage du régime général pour commencer au 1er janvier 2017 et arriver à la date fatidique en 2024.
La CFDT a donné un avis négatif sur les projets de décrets que ce soit au Conseil d’Administration de la CNAV (Caisse nationale d’assurance vieillesse) qu’à celui de la CNIEG (Caisse nationale des IEG).
Ces décrets renforcent le caractère injuste de la réforme des retraites, que la CFDT a toujours dénoncé. Ils aggravent la situation des futurs retraités au-delà de ce qui avait été annoncé par les pouvoirs publics. Le dispositif « carrière longue » avait déjà été considérablement durci en 2008. Il subit aujourd’hui une nouvelle régression à travers le recul des âges minimum de départ.
A terme, la possibilité d’une retraite avant l’âge de soixante ans est quasiment supprimée. La prise en compte des salariés ayant commencé à travailler à dix-sept ans est un trompe-l’œil qui n’empêchera pas la détérioration de leurs droits par le renforcement des conditions de durée de cotisation.
Les salariés ayant commencé à travailler jeunes seront fortement pénalisés, alors qu’ils exercent souvent les métiers les plus pénibles et réalisent les carrières les plus modestes. Il leur faudra fréquemment valider quarante-quatre années de cotisation avant de pouvoir bénéficier de la mesure.
Concernant le régime spécial des IEG, les décrets vont plus loin que la loi. Plus grave, ils reviennent sur des engagements du gouvernement, pris en 2008 lors de la négociation de la réforme du régime. Le gouvernement bafoue sa parole !
Ainsi, à partir de janvier 2017, les anticipations de départ pour les femmes ayant un ou deux enfants sont purement et simplement supprimées.
Une fois encore, ce sont les femmes qui font les frais de cette réforme.
Cette suppression a pour conséquence de repousser de trois à cinq ans leur date de départ en retraite. C’est énorme ! En 2008, ce dispositif avait été confirmé pour toutes mères ayant un ou des enfants nés avant le 1er juillet 2008. Un autre dispositif avait été créé pour les enfants nés après sur la base d’une majoration d’assurance. Ce dispositif a été construit pour les mères afin de prendre en compte la pénibilité accumulée pendant toute la période où elles concilient vie familiale et vie professionnelle. Il permettait aussi de réparer le préjudice des mères en matière de carrière, puisqu’elles ont des parcours plus difficiles que les hommes, et en matière de retraite.
A compter du 1er janvier 2017, le droit au départ anticipé en retraite sans condition d’âge des parents de trois enfants n’est maintenu que pour les agents ayant accompli quinze ans de services avant cette date. De plus, le système de décote leur sera appliqué.
Autre incongruité de ces décrets, pour pouvoir obtenir les cinq ans d’anticipation dus à l’exposition de travaux pénibles, il faudra justifier dix-sept ans de services actifs au lieu de quinze ans aujourd’hui. Concrètement, cela veut dire que pour avoir les mêmes droits qu’actuellement, il faudra travailler dans des conditions pénibles, deux ans de plus. Le gouvernement se dévoile sur sa manière bien à lui de considérer la pénibilité du travail. Ne nous étonnons plus que ce sujet n’avance pas dans le régime général.
La FCE-CFDT condamne aussi la manière dont le gouvernement a fait passer ces décrets. Elle s’interroge sur la précipitation de parution de ces décrets. Des décrets rédigés à la hâte par le gouvernement juste avant les vacances de Noël, sans aucune concertation en amont. Plus fort, pour les IEG, nous avions six ans pour le faire.
Comme elle l’a répétée maintes fois notamment pendant le débat parlementaire, cette réforme n’apporte aucune réponse de long terme à la question des retraites. La CFDT réaffirme sa volonté d’une réforme globale, à la fois juste et pérenne.
La FCE CFDT ne baisse pas les armes. La FCE-CFDT a été reçue au ministère du Travail, le 20 décembre dernier. Elle y a fait valoir le caractère injuste des projets de décret concernant le régime spécial des IEG. En substance, les représentants du ministère et de la direction de la sécurité sociale nous ont répondu qu’ils comprenaient voire même qu’ils partageaient un certain nombre de nos arguments, mais voilà, c’est non, rien ne sera modifié. Incroyable, si ce n’est pas de l’idéologie ! Surtout quand ils nous confirment que sur l’ensemble des régimes spéciaux, seuls la SNCF, la RATP et les IEG auront le droit à des décrets sortis à la hâte…
La FCE-CFDT a organisé un rassemblement devant la CNIEG à Paris, le 6 janvier dernier, alors que son conseil d’administration se réunissait pour émettre un avis sur les projets de décrets.
Dernière minute. A l’heure où nous imprimons ce magazine, le ministère du Travail a annoncé qu’il réfléchissait à des mesures en sifflet pour les mères de famille de 1 ou 2 enfants. Grâce à sa mobilisation, la FCE-CFDT constate qu’il est encore possible de faire évoluer favorablement les dispositions des projets de décrets modifiant le régime de retraite des Industries électriques et gazières.