La Cour Administrative d’Appel de Nancy a rendu son jugement le 1er octobre, le ministère du Travail doit inscrire le site de Solvay Dombasle sur la liste des établissements ouvrant droit à la cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante. Cette reconnaissance, fruit d’un combat de 6 ans, est un souffle d’espoir pour toutes les victimes de l’amiante tellement malmenées ces derniers temps. Elle doit aussi représenter un encouragement pour l’avenir. Le mag FCE a rencontré Philippe Barbelin délégué syndical et Hubert Beydon membre du CHSCT chez Solvay sur le site de Dombasle.
Mag FCE ; peux tu nous faire un bref rappel des faits?
H. Beydon : L’utilisation de l’amiante sur l’établissement de Solvay Dombasle a été massive et générale depuis la nuit des temps et ce jusqu’en 1997 dans les opérations de calorifugeage et toutes les opérations de maintenance par le personnel de l’atelier où les fabricants nécessitaient de manipuler l’amiante. Ces opérations se faisaient sans protection particulière. Les autres salariés amenés à être présents sur ces secteurs subissaient une contamination passive : personnels administratifs, laboratoire, bureau d’étude, géomètre etc.
La présence d’amiante a été constatée par l’Inspection du Travail et par l’APAVE en février 1997. Les derniers appareils ont été désamiantés au cours de l’année 1997.
Mag FCE : que représentait l’amiante dans l’usine ?
H. Beydon : Les cellules d’électrolyse de type HOOKER en fonctionnement sur le site de Dombasle de 1966 à 1991 utilisaient des diaphragmes en amiante. Ce sont 24 tonnes d’amiante par an qui ont été mises en œuvre pour ces diaphragmes. Les règles spécifiques concernant l’utilisation de l’amiante et les consignes de sécurité ne sont apparues que tardivement. Les mesures de protections étaient inefficaces et elles ne prenaient pas en compte toutes les expositions. La présence d’amiante dans pratiquement tous les secteurs de l’usine et l’absence de mesures prises pour réduire le risque font que le nombre de salariés ayant été exposé avant 1997 est significatif.
Mag FCE : qu’ont fait les organisations syndicales ?
P. Barbelin : Jusqu’en 2006, devant le triste constat du nombre de décès et de maladies professionnelles en augmentation constante, la CFDT et la CGT ont tenté une négociation auprès de la direction pour faire reconnaître le préjudice subit par le personnel exposé afin qu’il bénéficie de mesures de départ anticipé. Ces départs anticipés visent à compenser une espérance de vie réduite. Malheureusement l’amiante est une catastrophe sanitaire. La fibre mortelle causera la mort de 100 000 personnes d’ici 2025 en France.
Mag FCE : pourquoi avoir été devant la justice ?
P. Barbelin : La direction de l’époque acceptait de prendre en compte ce préjudice pour le personnel affecté à l’Usine Electrolytique (UE) mais ne voulait pas entendre parler des salariés qui intervenaient aussi régulièrement à l’UE. De plus, la direction a traîné des quatre fers pour délivrer aux retraités des reconnaissances d’exposition à l’amiante.
Devant la position intransigeante de la direction, la CFDT et la CGT n’ont eu d’autre alternative que de refuser cette reconnaissance trop restrictive et de demander à l’Etat de classer notre établissement amiante, procédure qui arrive à son terme aujourd’hui.
Mag FCE : quelles sont les conséquences de cette décision de justice ? .
P. Barbelin et H. Beydon : Aujourd’hui 37 maladies professionnelles sont reconnues et imputées à Solvay. Il convient d’y ajouter toutes les victimes, qui par manque d’information sur leurs droits, faute d’aide et certainement aussi par résignation n’ont pas fait la démarche de reconnaissance d’une maladie professionnelle. Les victimes et les familles n’ont pas toujours la force, la volonté d’affronter en parallèle, et la maladie, et les démarches administratives pour obtenir réparation.
Le combat n’a pas été sans peine.Le rejet du ministère du Travail nous a conduit devant le tribunal administratif pour une longue bataille juridique. Ce dernier nous a également débouté en s’appuyant sur le rapport d’un expert déjà acquis à la cause patronale avec un rapport truffé d’incohérences de contradictions et d’erreurs grossières. Nous avons finalement obtenu gain de cause devant la Cour administrative d’appel.
Près de 100 salariés pourront bénéficier du dispositif de départ anticipé à la fin de cette procédure qui devrait encore prendre au total entre 4 à 6 mois. (Classement de l’établissement par le ministère, inscription au Journal Officiel, dépose des dossiers individuels ACAATA (Allocation de Cessation Anticipée d’Activité des Travailleurs de l’Amiante), préavis…). Environ 170 pesonnes seront concernées sur les années suivantes.
De même, les salariés qui ont travaillé dans l’établissement de Dombasle dans la période de présence d’amiante et qui ont quitté la société sont concernés par ce dispositif. La direction a le devoir de les rechercher et les informer (Esco, mutations à Tavaux et à Sarralbe, les départs volontaires…).