On croyait avoir tout vu. Pourtant, vendredi 5 novembre, un salarié d’Engie a été condamné pour avoir espionné et enregistré des femmes à leur insu dans les toilettes, sur leur lieu de travail. Fait constitutif, bien évidemment, d’un délit (article 226-3-1 du Code pénal).
L’homme s’était déjà rendu coupable des mêmes agissements, constatés en 2015, et avait tranquillement pu continuer durant des années, avec la complicité de sa hiérarchie ! En fait, l’ensemble de l’établissement avait connaissance de ces faits. Les responsables ont donc failli à leur devoir le plus élémentaire de sécurité et de protection des salariés. La hiérarchie, en décidant de couvrir le voyeur, estimait peut-être qu’il s’agissait là d’une nouvelle coutume, extrêmement comique, très rassembleuse, et surtout sans conséquences ? Seulement, des conséquences graves, il y en a eu, bien entendu. D’autant que les victimes ont continué de souffrir de moqueries durant des années et ont continué à craindre que des images soient diffusées par l’homme, ou d’éventuels complices, sur les réseaux sociaux ou les sites pornographiques dédiés, et qu’au-delà du viol manifeste de leur intimité leur identité soit irrémédiablement souillée, par ce débile de la cuvette, et par ses petits amis.
Rappelons toutefois que les harceleurs sont dans l’immense majorité des cas conscients du mal qu’ils causent sur le long terme aux victimes et à leur entourage. Qu’il s’agisse, bien souvent, d’asseoir une hiérarchie de la domination personnelle, et d’entraîner des dynamiques collectives extrêmement dangereuses pour les individus.
Car tout cela a perduré lamentablement pendant des années, avec la complicité d’un management indigne, donnant lieu à un long article paru dans Le Monde, et à l’intervention de la CFDT.
Il aura donc fallu que le tribunal de Toulouse prononce une peine de 6 mois de prison ferme, et 18 mois de mise à l’épreuve, avec obligation de soins, pour que le droit revienne un peu dans le groupe Engie. Une indemnité de 2 300€ par victime, ce n’est pas lourd, mais de toute évidence, c’est la reconnaissance qu’il y a bien eu un délit honteux. Et comme le tribunal se plaît à rappeler qu’il peut être fait publicité de cette condamnation, n’hésitons pas une seconde pour rappeler qui est coupable !
D’autres faits similaires ont encore lieu ailleurs, et bénéficient d’une large impunité, quand ils sont connus. D’autres équipes subissent ce même genre d’agissements au quotidien, et ont terriblement besoin, en ce moment-même, que la CFDT continue de rappeler partout que le droit n’est pas systématiquement du côté du patron, même si celui-ci sait très bien s’en servir, à nos dépens. Le travailleur est aussi un être humain, quel que soit son sexe, faut-il le rappeler encore au vingt-et-unième siècle, malgré les Constitutions pourtant indiscutables de 1789 et de 1946.
Mais les choses peuvent bouger, surtout quand l’image de groupes comme Engie est en jeu. Dans ce cas précis, des sanctions financières ont été décidées sur toute la ligne managériale jusqu’au plus haut de la pyramide hiérarchique, parce que l’image du groupe avait été dangereusement compromise. Cela donne à réfléchir. Alors que le pouvoir syndical fond comme neige au soleil, saisissons-nous de cet outil terrible qui consiste à salir l’image institutionnelle en la frottant vigoureusement à la noirceur des faits. Responsabilisons les grands groupes à travers leur image de marque, si fragile et si onéreuse à entretenir.