Il était 10 h 20, le 21 septembre à Toulouse. Seize ans après, les conclusions du rapport d’expertise de la catastrophe de Bhopal demeurent rigoureusement et tristement d’actualité.
Minuit cinq dans la nuit du 2 au 3 décembre 1984, le réacteur n° 2 vient d’exploser. Le MIC (isocyanate de méthyle), mélangé accidentellement à l’eau de rinçage d’une canalisation non platinée, se répand sur le bidonville JP Nagar de Bhopal. Aujourd’hui l’estimation des victimes encore incertaine est chiffrée entre seize et trente mille morts et cinq cent mille blessés.
Au travers de la vie de familles indiennes, que la misère et les pucerons prédateurs de culture céréalière poussent à l’exode vers la ville, Dominique Lapierre et Javier Moro font le récit de la catastrophe sans précédent de Bhopal. Il était minuit cinq à Bhopal, édité chez Robert Laffont. Une partie des droits d’auteur finance des actions humanitaires à Bhopal.
« Les insectes volent la nourriture de l’humanité ». Le Sevin, pesticide fabriqué par Union Carbide, devait les éradiquer, et faire le bonheur des paysans mais aussi des actionnaires du groupe chimique américain. Le comité de direction de la société, basé aux USA, au mépris de l’avis des équipes de terrain intervenant en Inde, dimensionne une usine au double des besoins. La méthode Hay, qui évalue en points la valeur de chaque tâche effectuée dans l’entreprise, a influencé la décision. Chaque point se traduisant en avantage salarial, chacun a intérêt au dimensionnement maximum du projet industriel ! La production n’étant pas optimisée, le site est déficitaire et la spirale infernale des économies à tout prix s’installe. Baisse des coûts d’entretien, modification des modes opératoires, réduction de personnel, production discontinue toutes les conditions d’un accident étaient réunies.
L’accident de la suffisance
Au-delà de l’erreur de dimensionnement, qui est le fait de l’arrogance de quelques dirigeants, les certitudes sur la sûreté, la confiance aveugle dans les procédures ont contribué à cette catastrophe. Les salariés qui opéraient dans les unités à la mise en service avaient suivi une formation de plusieurs mois aux USA. Union Carbide affiche la sécurité en priorité numéro un, la devise est « Safety first : sécurité d’abord », les dirigeants présentaient les Safety Awards (brevets de sécurité) comme leur plus grande fierté. Le manuel de consignes comprend 400 pages, toutes les opérations sont théoriquement prévues. Cette assurance de la maîtrise totale sur les événements occultera que la gestion dans le temps de la sûreté d’une usine a un coût, coût que la raison économique ne veut pas voir.
Un arrêt d’unité définitif !
Les unités ne produisaient plus depuis plusieurs semaines et c’est suite à une opération de rinçage lancée de nuit que les événements s’enchaînent. Le MIC en présence d’eau développe une réaction qui entraîne une montée de température et de pression dans le réservoir n° 2. Celui-ci va exploser et disperser le nuage gazeux sur la ville. L’eau est parvenue au réservoir parce que la ligne n’avait pas été platinée et les vannes étaient fuyardes par manque d’entretien. La torche qui devait pallier ce type d’incident était arrêtée.
Seize milles Bhopalais sont morts, mais le président d’Union Carbide est toujours en liberté. Une usine équivalente est toujours en service dans la verdoyante Kanhawa Valley de Virginie occidentale !