Bernard Garrigues est depuis 7 ans retraité des industries électrique et gazière. Depuis 12 ans, il exerce aussi le mandat de conseiller prud’homal de la section encadrement à Grenoble. Il nous explique le fonctionnement et l’utilité du conseil des prud’hommes.
CFDT Magazine Chimie Energie : Comment fonctionne un conseil des prud’hommes ?
Bernard Garrigues : C’est une juridiction civile d’exception qui n’existe pas à l’identique dans les autres pays européens. Elle est aussi gratuite. Les juges, employeurs et salariés, toujours en formation paritaire, sont élus tous les 5 ans.
Les conflits, conciliés ou jugés, sont toujours de nature individuelle et concernent le contrat de travail ou d’apprentissage. Les salariés concernés sont ceux des secteurs privé et public (EDF, Gaz de France, la RATP, la SNCF). Les fonctionnaires sont eux soumis aux juridictions administratives.
CFDT MCE : Quelles sont les différentes étapes de la procédure ?
B. G. : A l’origine de la procédure : un conflit entre employeur et salarié. Tous les deux peuvent faire la demande de procédure, mais dans 98 % des cas, c’est le salarié qui en fait la demande.
Le greffe du conseil examine alors si la demande correspond aux règles de procédure. Il aiguille ensuite le demandeur vers celle des cinq sections appropriées : agriculture, industrie, commerce, activités diverses ou encadrement. Tous les cadres, quelle que soit leur activité professionnelle, relèvent de la section encadrement. Puis le greffe convoque l’employeur et le salarié à un bureau de conciliation. Là, un juge employeur et un juge salarié sont à tour de rôle président ou assesseur. Le salarié peut venir seul, ou accompagné d’un défenseur syndical ou d’un avocat. L’employeur peut venir seul, ou accompagné d’un avocat.
Si la conciliation aboutit, un procès verbal formalise l’accord des deux parties. Il n’est pas susceptible de recours, sauf vice de forme. Pour exemple, dans mon conseil, le taux de réussite des conciliations varie selon les sections de 8 à 20 %.
Le bureau de conciliation peut aussi rendre des ordonnances : provision de salaires, production de documents, etc. C’est un acte juridique, provisoire jusqu’au jugement sur le fond.
CFDT MCE : Si la procédure de conciliation n’aboutit pas ?
B. G. : S’il n’y a pas eu possibilité de conciliation, l’affaire passe en jugement devant 4 juges : 2 employeurs, 2 salariés.
La procédure est « contradictoire », ce qui veut dire que les éléments de plaidoirie doivent être connus des parties avant le bureau de jugement. Elle est aussi orale et les parties n’ont que l’obligation de produire les pièces justificatives de leur prétention.
Le demandeur, représenté éventuellement par son défenseur ou son avocat, plaide d’abord. Puis, c’est au tour de l’employeur ou de son avocat. Les juges délibèrent ensuite pour rendre une décision selon le droit et les faits. Cette délibération est secrète.
S’ils n’arrivent pas à tomber d’accord, c’est-à-dire s’ils ne sont pas au moins trois du même avis, il y a « départage ». On fait appel à un juge professionnel du Tribunal d’instance. Il y a alors un nouveau bureau de jugement, à cinq cette fois, donc avec la possibilité de dégager une majorité.
CFDT MCE : D’autres procédures existent-elles ?
B. G. : Dans les situations d’urgence et d’évidence, salaires impayés par exemple, les juges siègent en formation de référés. Ce sera le greffier qui aura aiguillé le demandeur en fonction de sa situation.
Il arrive aussi que le bureau de jugement ou de conciliation désigne des conseillers prud’homaux comme rapporteurs pour recueillir des témoignages dans une entreprise ou y enquêter, notamment dans les cas où l’employeur refuse de fournir des informations. L’expertise éventuellement ordonnée est à la charge de celui qui la sollicite. Le fait de nommer des conseillers-rapporteurs permet d’éviter le coût de l’expertise.
CFDT MCE : De quoi traite le plus fréquemment le conseil des prud’hommes ?
B. G. : Dans 80 % des cas, il s’agit de licenciements pour les deux tiers économiques. Savoir lire un bilan et un compte d’exploitation est alors indispensable, car il s’agira d’apprécier si le licenciement est fondé ou non.
CFDT MCE : Quel bilan, toi Bernard, tires-tu de ton mandat de conseiller prud’homal ?
B. G. : C’est une activité très enrichissante. Elle m’a ouvert d’autres horizons, car les procédures prud’homales restaient rares à EDF. Elles le sont moins aujourd’hui. J’ai dû aussi acquérir beaucoup de nouvelles connaissances. Je me sens surtout utile aux salariés pour lesquels nous sommes bien souvent le dernier recours pour faire reconnaître leurs droits et faire respecter leur dignité.
Mais attention, c’est aussi une fonction très prenante. Environ tous les deux mois, je préside en bureau de jugement. Cela implique chaque fois la rédaction de 4 à 6 jugements. Et pour chaque jugement, entre 4 à 8 heures de travail. Sans oublier, au même rythme, mon rôle de juge de conciliation et celui d’assesseur.
Mon mandat s’achèvera en 2008. Je continuerai d’exercer le mandat de défenseur syndical que j’exerce aujourd’hui dans d’autres conseils des prud’hommes que le mien. Et ce, pour mettre mon expérience au service des adhérents de la CFDT.