Témoignage d’un militant retraité, Michel Klein, qui a participé à la négociation de branche dans les industries électrique et gazière (IEG) sur les pensions et le régime complémentaire mutualiste. Négociation qui devait aboutir à l’opposition de la CFDT.
CFDT Magazine Chimie Energie : Michel, comment as-tu fait partie de la délégation CFDT qui a négocié, avec les représentants des directions des entreprises de la branche IEG, l’application de l’article 6 de l’accord sur le nouveau système de classification et de rémunération de branche, le SCRB ?
Michel Klein : Cette négociation, importante, devait être préparée en groupe de travail. Et l’article 6 concernant les pensions, il était tout naturel que la fédération demande à un retraité d’apporter sa contribution. Pourquoi moi alors ? Pour au moins trois raisons. En premier, je suis pensionné des IEG. En second, je suis membre du bureau de l’Union fédérale des retraités, l’UFR. Enfin, je représente les inactifs au comité national de la branche. J’ai donc été intégré par la fédération au groupe de négociateurs CFDT, comme expert.
Mais quel lien y a-t-il avec le conseil de l’UFR ?
Le conseil de l’UFR avait débattu de cette négociation le 9 novembre 2004 et avait confirmé, à l’unanimité, les orientations de la branche, à savoir :
1) le maintien des retraités au statut des IEG dans le respect de son article 1,
2) le rattrapage de la perte de pouvoir d’achat par rapport à l’inflation depuis 20 ans,
3) une négociation statutaire des pensions au sein de la branche, en plus de la garantie d’une évolution égale au moins au salaire national de base ou SNB.
Pourquoi les négociations ont nécessité plus de 16 séances ? Et quels points avez-vous abordés ?
Outre l’article 6 qui concerne les pensions, les autres points que nous avons abordés sont le régime complémentaire mutualiste, le RCM pour les initiés, l’augmentation de la cotisation vieillesse des agents actifs, et la nouvelle caisse de retraite des IEG. C’est notamment la situation de la mutuelle qui a donné lieu aux débats les plus longs et les plus pénibles, sans pour autant d’ailleurs aboutir à une solution satisfaisante pour la CFDT.
Pourquoi les directions ont souhaité renvoyer dans l’article 6 à une négociation spécifique aux retraités ?
Elles n’avaient aucune envie de transposer les inactifs dans le SCRB. Elles ont clairement provoqué cette occasion pour entamer des négociations qui n’avaient rien à voir au départ avec le SCRB. Dès le mois de juillet 2004, la CFDT l’avait compris et avait dénoncé cet article 6 qui ne pouvait que précipiter et mélanger des négociations qui auraient dû se tenir séparément. Mais la CFDT a été la seule organisation syndicale à contester cette situation. La suite des événements a prouvé que nous avions raison car les négociations ont échoué.
La négociation préservait-t-elle le rattrapage du pouvoir d’achat des retraités ?
Absolument pas ! Le rattrapage demandé par la CFDT est la différence sur 20 ans entre l’évolution des pensions et celle de l’indice des prix de l’Insee, soit 6,85 %. Les employeurs, eux, proposaient une prime unique de 1,5 % du montant de la pension perçue en 2004 !
Les propositions des directions pour le maintien du pouvoir d’achat des retraites sont-elles suffisantes et pérennes ?
Absolument pas ! Les employeurs proposaient une évolution de la pension toujours égale à celle du SNB, comme par le passé, assortie d’une indexation sur l’indice des prix Insee. Cette indexation voulait corriger le décalage qui existait dans le passé entre les prix et la pension. Cela aurait été moins mauvais qu’avant mais très loin des revendications de la CFDT ! La CFDT revendique un système de référence qui permette le maintien, voire l’augmentation du pouvoir d’achat des retraites, et un autre indice officiel basé sur l’évolution moyenne des salaires du secteur privé et semi-public. Revendication que les employeurs ont refusée. Enfin, les augmentations de cotisations mutualistes prévoyaient un reste à la charge des pensionnés de 0,7125 %, donc une diminution immédiate des retraites d’autant.
Que penses-tu du financement proposé de la couverture complémentaire de santé ?
Le système de financement proposé séparait la gestion des actifs de celle des inactifs, et ne garantissait ni la pérennité de la participation statutaire de 50 % de financement par les employeurs, ni la pérennité du montant des cotisations qui augmenteraient inexorablement.
Enfin, es-tu satisfait de la manière dont les négociateurs ont informé les instances syndicales ?
Difficile de faire mieux ! Tous les soirs, le compte rendu des événements de la journée était rédigé et diffusé à toutes les sections syndicales d’entreprise. Moi-même, j’informais régulièrement les membres du conseil de l’UFR au fur et à mesure de la négociation afin qu’ils informent à leur tour les retraités.
Quelles conclusions tires-tu de cette expérience ?
A titre personnel, c’est bien sûr une expérience passionnante et enrichissante. Elle m’a permis de constater, une fois de plus et là au plus haut niveau, que les employeurs n’hésitent pas à user de la culpabilisation des organisations syndicales par des discours du type « notre intérêt commun, c’est la pérennité des entreprises qu’il ne faut pas mettre en péril ». Elles oublient que les pertes gigantesques, enregistrées par EDF lors d’opérations financières à risques, l’ont été sans jamais demander l’avis des organisations syndicales ni du personnel !