Chez Béricap en Lorraine, la hausse du nombre d’adhérents CFDT atteste tout d’abord de la confiance des salariés envers un solide collectif.
Faire du syndicalisme CFDT sans vraiment le savoir. Huit paires de bras sont posées sur la grande table du local syndical. L’équipe militante de la CFDT, seul syndicat de l’entreprise lorraine du groupe plasturgique Béricap, est presque au complet. Ce 28 janvier, la section planche pour une première séance sur l’organisation et le déroulement d’une enquête « Travail en question » (TEQ) portant sur les conditions de travail de cette entreprise de bouchons high-tech, de 117 salariés.
Le climat social est plutôt bon mais les conditions de travail semblent passablement se dégrader. « Intensification de la charge de travail : c’est l’explication qui revient toujours dans la bouche des salariés, explique Laurent. A force que nous relayions ces témoignages, la direction nous a proposé de participer à un groupe de travail sur le sujet. Nous sommes d’accord mais nous voulons d’abord savoir ce que ressentent les salariés. Sinon, nous risquons de parler à leur place et de rater notre objectif principal : répondre à leurs attentes. C’est notre premier TEQ. L’aide du syndicat nous sera précieuse. » Justement, Emmanuel Benoit, pilote des enquêtes TEQ au sein du syndicat Chimie énergie Lorraine est présent pour la journée. Présents aussi Dominique Bousquenaud et Caroline Darnois-Laurent, respectivement secrétaire et responsable développement de ce syndicat fort d’une centaine de sections et de plus de 3 300 adhérents.
A travers l’outil TEQ, les militants de la section découvrent l’aide que peuvent leur apporter des structures qui leur semblent pourtant bien lointaines. Les logiques d’une organisation confédérée, où l’interprofessionnel cohabite avec le professionnel, avec une répartition bien définie mais complexe, tiennent pour eux de la nébuleuse ou du casse-tête. « C’est défendre et représenter les salariés de la boîte qui nous importe. Ce qui se passe au-delà ne nous semble pas prioritaire pour l’instant », résume Carlos, 28 ans, le plus jeune de la bande. Laquelle affiche une dynamique moyenne d’âge de 40 ans. Sur ce thème, lien entre action nationale et action locale, les débats iront bon train entre les différents protagonistes de la journée.
La section Béricap a rencontré le secrétaire du syndicat pour la première fois en juin 2004. Repérée pour « avoir un bon potentiel de développement mais dotée d’une courbe d’adhésion stagnante », leur section est inscrite dans le plan de développement du syndicat (lire ci-après). « Sur notre potentiel, le syndicat ne s’était pas trompé, témoigne André Del Vecchio, délégué syndical et seul membre de la section bien au fait des valeurs et pratiques de la CFDT. En quelques mois, nous sommes passés de six adhérents à une bonne trentaine. »
En réalité, la motivation syndicale et régionale axée sur le développement en a rencontré une autre, exprimée cette fois sur le terrain de l’entreprise. Dominique Bousquenaud confirme : « Nous misions sur un redémarrage des adhésions dans cette section. Lors de notre première rencontre, ses membres ne demandaient pas mieux, mais ils voulaient avant tout être aidés à se structurer en collectif, seul moyen à leurs yeux de fonctionner et de gagner la confiance et l’adhésion durable du plus grand nombre de salariés. Impossible de leur donner tort sur cette pratique primordiale ».
Cette « restructuration » de section ne fut pas sans douleur. Claude Bertaux, ancien délégué syndical, a dû accepter de passer la main à André qu’il avait commencé à former dans cette idée, tout en reportant cette échéance à plus tard. Depuis les dernières élections professionnelles, Claude œuvre en tant qu’élu dans l’instance stratégique du CHSCT. « Dans la section, nous discutons de tout et décidons de tout ensemble, expliquent-ils en chœur. Le temps syndical est partagé, le terrain de l’entreprise où nous essayons d’être bien répartis, aussi. » Résultat, l’adhésion gagne du terrain. « C’est rassurant pour les salariés d’avoir une véritable équipe syndicale à qui parler. Ils se sentent représentés et relayés auprès de la direction. C’est sans doute pour cette raison qu’ils adhèrent. » Ecoute des salariés, démocratie participative, projet syndical élaboré en fonction de situations concrètes , ces militants pratiquent bien le syndicalisme de la CFDT, sans vraiment le savoir ni même s’en vanter. « Il faut leur donner les moyens de valoriser ce syndicalisme dans et hors l’entreprise. Il faut donc notamment que ces militants participent à nos formations. » De cette école du syndicalisme, ils se disent tous demandeurs. Le secrétaire du syndicat prend les inscriptions.
Dans ce syndicat lorrain, comme dans la plupart des syndicats de la FCE-CFDT, le développement syndical est hissé depuis deux ans déjà au rang de première priorité. Une campagne de syndicalisation offensive et de longue haleine a été officiellement lancée à la suite du congrès du syndicat lorrain en juin 2004. Congrès où Caroline fut désignée responsable de cette dynamique. « Caroline n’est pas seule ni même isolée, précise Dominique. Nous expliquons volontiers que cet objectif doit être dans toutes les têtes, c’est donc tout l’exécutif du syndicat qui est impliqué dans un groupe dédié au développement. » L’une des stratégies consiste à repérer deux types d’entreprise par branche professionnelle. L’une où une section CFDT fait peu d’adhésions mais présente un « bon potentiel » : l’opération vise à déclencher le « déclic développement ». L’autre où la CFDT n’est pas implantée. La première cible commence à donner ses fruits, l’entreprise Béricap en fait partie. Pour la deuxième, les résultats tardent. « Aux distributions régulières de tracts, nous avons décidé d’ajouter une date de rencontre afin que les salariés puissent nous contacter à leur tour, explique Caroline. Cette partie n’est pas encore gagnée mais pas question de lâcher ! »
– Les sections CFDT « visitées » par les membres du syndicat Chimie énergie Lorraine sont bien sûr volontaires et demandeuses d’une démarche propre à faire repartir l’adhésion. La première journée, au moins un membre du bureau syndical et du groupe développement ainsi que le responsable de la branche professionnelle concernée sont présents. « Nous leur proposons une démarche, il faut au moins que nous soyons en mesure de répondre à toutes leurs questions », explique le secrétaire du syndicat. Le matin, bilan complet de l’entreprise et du fonctionnement de la section, évaluation des besoins. L’après-midi, plan de développement et objectifs quantifiés. Ensuite, contact et suivi réguliers. Pour un syndicat doté de 100 sections, la tâche est titanesque. « C’est une démarche indispensable, estime Jean-Claude Nédélec, responsable du développement à la FCE-CFDT, mais le véritable enjeu est de parvenir à démultiplier les acteurs syndicaux, relais de cette priorité. Tout le monde doit porter ce dossier. Dans notre fédération, le responsable politique du développement n’est autre que Patrick Pierron, son secrétaire général. C’est un message fort à l’adresse de tous les militants. »